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quel Cherubini avait enseigné l’art de faire difficilement de la musique facile. Quoi qu’il en soit, ces éléments nouveaux que réclamait le goût du public, cette intensité de vie et d’expression dramatiques, cette couleur moitié historique et moitié légendaire, sorte de compromis entre la chronique et le conte bleu, après avoir passé de Richard Cœur de lion à Cendrillon, de Cendrillon à Jean de Paris, trouvèrent dans la Dame blanche leur terme le plus complet. Le romantisme avait décidément pris pied à l’Opéra-Comique. Pour la première fois, on assistait à la représentation d’une chronique étrangère traitée musicalement selon des conditions de vérité locale, de caractère, le motif national ne se contentant plus de figurer en manière de hors-d’œuvre à côté des airs et des duos, mais employé comme ressort dramatique, et partout, jusque dans la contexture du finale, mêlé à la vie infuse de l’œuvre. Ce n’est plus ni l’opéra héroïque de Grétry, de Méhul, de Cherubini, ni l’opérette à conversations de Monsigny, de Dalayrac, de Della-Maria. Auber, Hérold, peuvent naître, pour en remontrer à leur tour à leur maître et faire pâlir Boïeldieu, lequel, au scintillement pailleté de ces astres du néo-romantisme, finira par nous sembler bien maigre et bien classiquement incolore. Voilà comment nous sommes en France. À force de nous entendre dire que nous n’étions en musique et ne serions jamais que des raisonneurs, le goût du romantisme nous a pris, et, l’émulation aidant, nous sommes devenus plus romantiques que les Allemands, car s’ils ont Weber et son Freyschütz, nous avons, nous, la Dame blanche, Fra Diavolo, la Pari du Diable et Zampa.

Les débuts d’Hérold furent ceux de tout le monde. Il naît humble, grandit peu à peu, et, par le Conservatoire et le prix de Rome, fait son petit chemin. Rien qui, dans les commencemens, dénote l’homme ayant quelque chose à dire. Il apprend son métier de pianiste chez le vieil Adam, Kreutzer lui donne des leçons de violon, et Méhul le forme à son école ; puis on le voit, en attendant Rossini, emboîter modestement le pas du siècle, trottiner dans l’ornière. Romances, airs variés, il sert au public le plat du jour, compose, à l’occasion du mariage du duc de Berri, un opéra de circonstance en collaboration avec Boïeldieu, qui, toujours bon et gracieux, veut couvrir de l’autorité de son nom ce premier début au théâtre d’un disciple et d’un ami. Cette mode d’écrire à deux un opéra n’a jamais, que je pense, eu cours dans un autre pays que dans le nôtre. En Allemagne, où l’originalité d’un maître doit s’affirmer avant toute chose, où l’individu ne saurait s’effacer dans le genre, on ne comprendrait pas que cela fût possible. Un air fit la fortune de ce Charles de France, le fameux air des chevaliers de la fidélité, et ce morceau n’était pas d’Hérold. Quelle autre plume l’eût tracé, si ce n’est celle du chantre courtois et féal de Jean de Paris, le ménestrel, le troubadour par excellence de cette période où florissaient les pages et les châtelaines, où le poète avait son luth et le musicien sa guitare en sautoir ? Bientôt à ce Charles de France succèdent les Rosières, la Clochette, le Premier venu, les Troqueurs, l’Auteur mort et vivant, œu-