Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à mesure que les besoins de la vie domestique devenaient plus étendus et plus raffinés. Une épitaphe gravée sur une des pierres moussues du cimetière nous apprend qu’un vicaire de cette paroisse, depuis longtemps décédé, a eu entre autres mérites celui de faire bâtir à ses frais une cuisine dans le presbytère. Les offices à demi voilés par un rideau de feuillage, les écuries, les remises, trahissent aussi une origine plus récente que le corps du logis. Tel qu’il est, l’ensemble du bâtiment respire un grand air de comfort et même de luxe sévère qui présente un contraste frappant avec l’humble et maussade demeure de nos curés de campagne. Des touffes de plantes grimpantes couvrent une moitié de la façade, et avec le temps elles ont poussé si hautes, si épaisses et si vigoureuses, qu’il faut tous les efforts d’un vieux jardinier, juché sur une échelle, pour élaguer ou rattacher au mur leurs rameaux indépendans. L’autre côté est occupé par une serre longue et vitrée, toute garnie de fleurs, et sous le toit transparent de laquelle courent des festons de pampre laissant pendre çà et là des grappes de raisin muscat. Au milieu s’ouvre le hall, sorte de grand vestibule, carré qui communique d’un côté avec le salon (drawing room) et de l’autre avec la salle à manger (dining room). Pendant la journée, le vicaire travaille dans sa bibliothèque, également au rez-de-chaussée. Une porte à deux battans masque les escaliers, qui se divisent en deux branches conduisant aux chambres à coucher. Celles-ci, détachées les unes des autres, quoique réunies par un grand couloir, permettent de loger la famille et d’exercer largement les devoirs de l’hospitalité. Des fenêtres qui s’ouvrent au premier étage, sur la longueur du jardin d’agrément, on aperçoit un tapis vert borné par de grands arbres entre les têtes desquels se détache en vigueur la sombre tour de l’église, autrefois surmontée d’une flèche que la foudre a détruite. Au presbytère se rattachent en outre un jardin potager tout enclos de murs et deux grands champs, propriétés de l’église, où paissent quelques moutons ; à droite du potager se trouvent les étables. Le jour de mon arrivée, ces champs étaient le théâtre d’une fête ; des bannières flottaient au vent, rattachées de distance en distance par une corde aux rameaux des pommiers ; de joyeux cris d’enfans éclataient au milieu des jeux, et l’herbe était en quelque sorte fleurie de visages roses animés par l’action. On célébrait la fête des écoles.

Tous les presbytères anglais, il faut bien le dire, ne ressemblent point à celui-ci. Il en est d’autres tombés dans un état de dégradation et de caducité qui a dernièrement appelé l’attention des autorités ecclésiastiques. En principe, un parsonage (demeure du pasteur) devrait durer toujours : c’est un bien spirituel, une propriété