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à tout prix quelque heureuse négociation avec la France, de nouveaux secours d’argent si cela était possible, tout au moins quelques renouvellement d’alliance dont il pût se parer à son retour en Suède comme d’une victoire personnelle. Depuis le commencement de la guerre d’Amérique, il était en instance auprès du cabinet de Versailles pour obtenir la cession d’une de nos Antilles en échange d’un entrepôt français à Gothenbourg, et le jeune compte de Fersen, lorsqu’il était parti pour les États-Unis, avait reçu de lui à ce sujet une mission spéciale. L’affaire fut conclue pendant son séjour en France par la convention de Versailles, signée le 1er juillet 1784. Bien plus, d’inquiétantes nouvelles d’armemens en Danemark et en Russie ayant circulé vers ce même temps, il en profita pour demander que la cour de France promît une intervention armée en cas de guerre et ajoutât aux subsides annuels que recevait depuis longtemps la Suède un secours d’argent extraordinaire à la suite d’une conférence tenue en présence de Louis XVI, des comtes de Vergennes et de Breteuil, une note fut rédigée, pour être remise à l’ambassadeur de Suède, après avoir été lue à Gustave III lui-même. On y promettait, dans le cas où la Suède serait attaquée, de fournir un secours de douze mille hommes d’infanterie pourvus d’une artillerie convenable, ainsi qu’une escadre de douze vaisseaux de ligne et six frégates. Si la Grande-Bretagne, toujours ennemie de la France, empêchait l’expédition de ces secours, il serait payé comptant au roi de Suède une somme équivalente, suivant une évaluation convenue. Ce n’était pas le compte de Gustave, qui désirait un secours d’argent immédiat. Il insista donc en adressant directement à Louis XVI une longue lettre, restée inédite, dont nous donnons ici la partie principale. Datée seulement sur l’original, autographe de juillet 1784, elle doit être du 11 de ce mois :


« Monsieur mon frère et cousin, n’ayant pas pu hier trouver l’occasion d’entretenir votre majesté des affaires importantes que j’ai entamées avec elle, et le moment de mon départ approchant, elle ne trouvera pas mauvais que je me serve de cette voie pour lui en parler. J’ai cru m’apercevoir, en lisant l’écrit que M. de Vergennes a remis à mon ambassadeur, que je n’avais peut-être pas expliqué assez clairement les motifs qui m’avaient porté à faire à votre majesté les propositions que l’on a mises sous ses yeux. Je m’adresse donc directement à votre, majesté pour les lui détailler, porté par cette confiance que l’amitié personnelle qu’elle m’a témoignée m’inspire, autant que par celle que les plus anciens et les plus constans principes de nos monarchies m’autorisent d’avoir en elle. Deux amis doivent se parler avec franchise de leurs intérêts réciproques, et, lorsque deux rois comme nous se connaissent personnellement, il convient à notre dignité réciproque de traiter directement ensemble. C’est sur ces fondemens que je vais ouvrir mon cœur à votre majesté et y déposer mes sentimens,