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et les touffes de grandes herbes, le fusil à la main, à la poursuite d’un lapin ou d’un dindon sauvage destiné à faire le soir es délices du bivouac. Les écloppés, le cigare à la bouche, mêlés aux cavaliers qui traînaient leurs chevaux fatigués par la bride, flânaient en attendant l’arrivée de l’arrière-garde.

Soudain éclate une décharge en tête de colonne au milieu d’un nuage de poussière ; les refrains commencés meurent sur les lèvres des chanteurs, et les retardataires retrouvent des forces pour serrer les rangs. C’était un assez nombreux parti de cavaliers de Tlaliscoya, sorti la veille de Jamapa, où il était allé au secours d’Antonio Diaz, qui redoutait l’attaque annoncée des Français. Ces partisans revenaient en toute hâte défendre leur ville, dont ils avaient appris la situation critique par un courrier des notables. A la vue de la contre-guérilla, trompés de loin par le drapeau rouge déployé en tête, ils avaient cru rencontrer la troupe du colonel Gomez. La bande imprudente, lancée au galop, donna tête baissée dans notre avant-garde, et se dispersa sous la fusillade comme une volée d’étourneaux en s’enfuyant à toute vitesse, non sans laisser quelques hommes sur le terrain.

A dix heures du matin, notre colonne retrouvait à l’hacienda de Mandigue les quatorze des siens qu’elle avait laissés en arrière ; rien ne les avait inquiétés. L’occupation de Tlaliscoya, due à un heureux coup de main tenté avec une poignée d’hommes, produisit un grand effet dans les terres chaudes. Les guérillas comprenaient déjà que les difficultés de terrain et de climat ne les défendaient plus des attaques des Français, de ces surprises de nuit que les Mexicains goûtent médiocrement, et où le vaincu n’a qu’un espoir, celui de périr, car ils avaient déjà trop cruellement appris aux Européens à ne plus faire de prisonniers. Le 22 mars, on était de retour à Medellin. On s’arrête malgré soi à cette date mémorable du 22 mars, pleine de grands souvenirs pour l’armée du Mexique. Ce même jour, à quarante lieues de distance, le canon vengeur de la trahison du 5 mai, commençait à gronder sous les murs de Puebla, déjà témoins de l’héroïsme chevaleresque du général de Lorencez et de son petit corps d’armée. Ce même jour, pour célébrer dignement l’ouverture du siège, le 3e chasseurs d’Afrique, entraîné par son vaillant colonel, aujourd’hui le général du Barrail, enfonçait en un choc terrible les régimens de cavalerie mexicaine venus de bien loin, du Nuevo-Leon et du Cohahuila, dans les champs de Chollula. Pour la contre-guérilla, le 22 mars n’évoque pas d’aussi grands souvenirs. Ce jour-là, il fut convenu qu’elle resterait pour quelque temps à Medellin, sans rien tenter encore contre Jamapa et Cotastla. Sans doute la prise de Jamapa et de Cotastla était d’un grave