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ques ait été à peu près la seule question de politique intérieure qui agitât le gouvernement. Sans cesse reprise, ajournée, délaissée, perdue, elle faisait et défaisait les ministères. Fox et ses collègues s’étaient résignés à l’écarter pour un temps par les mêmes raisons qui avaient décidé Pitt à l’abandonner sans retour. Ils ne trouvaient pas dans l’opinion des chambres et du public un appui suffisant pour faire violence aux préjugés du roi; mais l’Irlande leur avait bien fait crédit pour une session sa patience n’allait pas plus loin. Des réunions se formaient, des pétitions se signaient, et le lord lieutenant, le duc de Bedford, ne pensait pas que cette agitation pût être apaisée, si quelques satisfactions partielles n’étaient accordées à de justes mécontentemens. Telle avait toujours été la pensée du cabinet; il espérait, par des mesures de détail, relever peu à peu les catholiques à l’égalité de droits. Le duc de Bedford en proposait deux principales, leur admission aux fonctions de shériff et dans le service militaire aux mêmes conditions que tous les autres sujets du roi. Un conseil fut tenu le 9 février 1807; nous avons la délibération écrite. Les ministres furent d’avis que des pétitions qui ramèneraient dans les chambres la question de l’émancipation, résolue négativement par un vote tout récent, ne seraient que dommageables à la cause; mais demander que les catholiques pussent être shériffs, c’était essentiellement retraiter toute la question; les déclarer aptes à recevoir toute commission dans l’armée, ce n’était que leur reconnaître un droit déjà consenti en principe plusieurs années auparavant pour le service militaire en Irlande. L’avis unanime y fut d’introduire une clause à cet effet dans le Muting bill, c’est-à-dire dans la loi qui autorise annuellement le maintien d’une armée sous le drapeau. Les mémoires de lord Holland contiennent une peinture piquante de l’intérieur du conseil où fut prise une résolution si simple. Une dépêche conforme fut préparée pour le lord-lieutenant; mais aussitôt la correspondance obligée commença avec le roi. La minute de la délibération et de la dépêche lui fut adressée. Comme il perdait la vue, il fit écrire par son secrétaire intime une réponse où l’on ne croit pas reconnaître son style ordinaire. Il s’y montrait fort mécontent d’avoir à statuer sur de telles propositions, et il refusait. Nouveau conseil, nouvelle délibération qui passe sous les yeux du roi avec une lettre de lord Grenville à l’appui. Cette fois, par sa réponse du 12, le roi consent à l’insertion dans le Muting bill; mais il ne dissimule pas sa répugnance, il déclare qu’il ne peut faire un pas de plus, et compte bien que cette preuve de condescendance le préservera d’être désormais affligé (distressed) par quelque nouvelle proposition relative au même objet.