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proposés. Aucun particulier en France n’aurait eu l’audace de demander aucune innovation à propos de l’Algérie. Si un particulier se fût avisé de signaler les faits dénoncés par l’empereur, il eût été poursuivi sur-le-champ pour publication de fausses nouvelles, hostiles à l’empereur et à son gouvernement. Les fonctionnaires algériens n’auraient assurément jamais rien dit contre eux-mêmes ; les colons n’auraient pu faire appel au public : s’ils eussent adressé leurs plaintes aux plus hautes autorités parisiennes, ils n’eussent obtenu aucun redressement solide, et auraient certainement attiré sur eux l’inimitié des autorités locales. » Là le journal anglais fait ressortir l’importance décisive de l’intervention impériale ; mais il démontre ensuite d’une façon saisissante les causes qui déterminent l’efficacité des réformes sous l’influence des institutions libres et les causes qui en amènent l’avortement lorsque la liberté politique fait défaut. « C’est, dit-il avec une vérité incontestable, après que le mal a été signalé et le remède proposé, que la supériorité d’un pays libre devient manifeste. Quand nous avons décidé qu’une chose doit être faite, nous pouvons veiller à l’exécution. Chaque fait est observé en détail et publié, et si des symptômes de rechute dans les vieux abus se déclarent, de nombreux critiques sont toujours prêts à dénoncer la marche rétrograde et à insister sur l’accomplissement des changemens nécessaires. C’est l’affaire non d’une seule personne, mais de milliers d’hommes, d’exiger que la réforme soit exécutée comme elle doit l’être, et une discussion constante ramène sous les yeux du public toutes les conditions du programme. En France, comment une réforme peut-elle s’accomplir ? Ce que l’empereur ordonne personnellement se fera, mais il ne peut pas donner des ordres innombrables sur tous les petits faits locaux. Les fonctionnaires agiront silencieusement en sens inverse, et quand son attention sera détournée par des affaires d’une plus grande importance, ils auront leur belle. En lisant la brochure, nous étions poursuivis de l’idée qu’un accident l’a fait écrire, et qu’elle ne produira de résultats que par accident. L’empereur commande, et sa volonté est la loi ; mais on tourne les lois aussi bien qu’on les défie. »

Quant à nous, nous serions de ceux qui se rallieraient sur la plupart des points au programme impérial. L’empereur est animé de la volonté de ramener aux conditions de la pratique et de la justice le gouvernement de l’Algérie. Il sent qu’il faut mettre une limite aux dépenses que nous impose cet établissement colonial. Il veut réduire notre armée permanente en Afrique de soixante-seize mille hommes à cinquante mille. Il constate les échecs et les résultats trop humbles de la colonisation européenne ; il dénonce quelques-unes des causes de cet avortement : l’imprévoyance et le trop grand éloignement de plusieurs tentatives colonisatrices, la gêne des servitudes militaires et l’inconvénient d’un système trop vaste de fortifications aux environs des villes, l’absurdité des lois douanières entravant le mouvement naturel des importations et des exportations, les abus du régime administratif encombrant la colonie d’un inutile personnel de fonc-