tionnaires, et paralysant les affaires par la tyrannie des règlemens et les excès de la paperasserie. Toutes ses réflexions et ses suggestions à cet égard auront l’approbation des esprits éclairés, de ceux qui détestent le fatalisme de la routine, qui aiment le mouvement dans les limites tracées par le bon sens et la nature positive des choses. Il est une question plus vaste et plus grave soulevée par l’empereur, c’est la condition des Arabes qui peuplent l’Algérie. L’empereur aborde cette question avec une résolution d’esprit que nous respectons assurément ; mais c’est surtout cette partie du système que nous n’accepterions point volontiers de l’élan d’une inspiration personnelle, et que nous aurions désiré voir éprouver par de grandes discussions et par le contrôle de l’opinion publique complètement édifiée. Ici les objections de détail et les objections fondamentales se présentent à notre esprit. Nous passons sur les objections de détail. Nous ne saurions souscrire par exemple au plan de l’empereur, qui espère tirer de la population arabe des recrues militaires pouvant être appelées à tenir garnison dans nos grandes villes ou à servir dans nos guerres d’Europe. L’emploi de troupes musulmanes dans le service militaire en France pendant la paix, en pays chrétiens d’Europe pendant la guerre, est une mesure qui répugnerait aux généreuses susceptibilités du sentiment national, qui pourrait être odieuse aux peuples de notre civilisation. Il y aurait beaucoup à dire sur la part faite à l’élément arabe dans la commune algérienne, bien que nous remarquions avec joie les opinions libérales de l’empereur en matière d’institutions municipales. L’empereur est d’avis que dans les pays neufs la commune doit être émancipée. On ne voit pas que les pays neufs aient à cet égard aucun droit de prééminence sur les pays vieux. Si la commune doit être libre dans un pays neuf comme l’Algérie, faisant effort pour naître à la civilisation, on ne comprend pas pourquoi elle devrait être maintenue en état de minorité et de tutelle dans un pays pleinement civilisé, c’est-à-dire bien plus apte à s’administrer lui-même, tel que la France. En matière d’administration judiciaire, les suggestions de l’empereur sont à coup sur justes et sensées ; cependant entre la juridiction arabe et la juridiction française la ligne de démarcation est bien délicate à tracer ; des erreurs pourraient produire des déviations funestes aux intérêts qu’une philanthropie empressée voudrait sauvegarder.
Les questions capitales, celles qui devraient surtout tenir en éveil l’opinion publique, sont les questions relatives à la propriété et à la constitution sociale de la population arabe. Sur ce point, l’empereur semble avoir pris son parti, théoriquement du moins, depuis 1863. On se souvient de la lettre impériale et du sénatus-consulte de cette année. Le domaine que l’état s’était approprié avant cette époque avait été considéré jusque-là comme le fonds sur lequel pourrait s’asseoir la colonisation européenne désirée, et en attendant, par l’amodiation qu’on en faisait aux Arabes, comme un de nos moyens de domination et d’ascendant sur la population indigène. Les espérances fondées sur la colonisation européenne avaient donné si peu.