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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/227

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l’instruction du peuple laisse encore beaucoup à désirer malgré le million de livres sterling que le gouvernement y consacré chaque année. Nos cotons et nos machines, disent-ils, défient toute concurrence, tant pour leur qualité que pour leur bas prix ; au contraire notre enseignement primaire n’est remarquable que par son imperfection et par sa cherté. La Prusse fait trois fois plus de bien avec une dépense trois fois moindre. Comme dans une question de fait il faut entendre les témoignages des gens compétens et bien informés, on nous permettra d’invoquer ici celui de sir J. Pakington, ancien ministre de la marine, et l’un des hommes d’état qui s’est le plus occupé de l’amélioration de l’instruction populaire. « Pendant longtemps, disait-il récemment dans un meeting, nous avons négligé l’éducation du peuple, oubliant que la prospérité durable de ce grand empire dépend surtout du développement moral et intellectuel des masses. Il en est résulté que l’Angleterre a été devancée par d’autres pays. Oui, nous nous sommes laissé dépasser par plusieurs nations de l’Europe, par les États-Unis d’Amérique et même par quelques-unes de nos colonies qui ont eu la sagesse de comprendre que les institutions libérales venues d’Angleterre ne produiraient tous leurs fruits que par le concours d’un peuple éclairé et moral. »

Dans ces dernières années, un progrès réel a été accompli. En mars 1858, on estimait que 1,750,000 enfans seulement fréquentaient une école quelconque, ce qui faisait environ 1 élève sur 11 habitans. Le nombre des enfans, entre 8 et 15 ans, devant être à peu près de 4,500,000, on en trouvait 2,750,000 qui ne recevaient point d’instruction. En 1861, lors de la dernière grande enquête, il y avait en Angleterre et dans le pays de Galles, non compris l’Ecosse et l’Irlande, 58,975 établissemens d’instruction avec 2,536,462 élèves, ce qui fait environ 1 élève par 8 habitans, ou moitié moins qu’aux États-Unis, et environ autant qu’en France. On estime que l’instruction élémentaire d’un enfant coûte par an 30 shillings[1], ce qui ferait une dépense totale pour l’enseignement élémentaire d’environ 80 millions de francs ; sur cette somme, les différentes sociétés d’école fournissent un peu plus de 25 millions, le gouvernement 20 millions, et les rétributions scolaires couvrent le reste. Cette dépense est très grande pour 2,536,462 élèves et 20 millions d’habitans, car la France, avec plus de 37 millions d’habitans, ne débourse en tout que 58 millions de fr. pour 4,336,368 élèves. Quant aux résultats définitifs, qu’on peut juger à peu près par le nombre d’adultes sachant lire et écrire, ils sont tout aussi peu

  1. Voyez le livre d’un savant économiste mort récemment, M. M.-W. Senior, Suggestions on popular education.