pratiqué dans ces contrées, les conditions auxquelles sont assujétis les déportés surtout depuis la dernière guerre de Pologne ; on n’a qu’à constater enfin la répugnance du gouvernement à laisser pénétrer en Sibérie les colons de race européenne ou anglo-américaine. On peut voir comme une illustration des vraies tendances de la politique russe dans deux faits d’un ordre très différent.
Le gouvernement de Saint-Pétersbourg, qui, depuis bien des années, a toujours entretenu une propagande panslaviste plus ou moins active dans l’empire d’Autriche, chargea en 1860 ses agens d’engager les Tchèques, qui émigrent continuellement vers les États-Unis, à aller s’établir dans les pays du Bas-Amour. On élabora même à Pétersbourg divers plans sur ce sujet ; mais, cette propagande ayant éveillé les méfiances du cabinet de Vienne, il fut résolu qu’en attendant des circonstances plus propices on essaierait au moins d’attirer vers les possessions russes de l’Amour les Tchèques déjà établis en Amérique et peu satisfaits du sort qu’ils trouvaient dans leur nouvelle patrie ; le premier pas fait, on espérait pouvoir ensuite plus facilement détourner vers l’Amour le courant d’émigration venant de cette partie de l’Allemagne. On expédia donc des émissaires russes à Chicago, dans l’Illinois, le Wisconsin et autres districts où vont habituellement se fixer les Tchèques à leur débarquement en Amérique. Ces émigrés, fortement attachés à leur nationalité comme tous les hommes d’origine slave, mal disposés d’ailleurs pour l’élément yankee, qui tendait à les absorber, pouvaient facilement se laisser décider à émigrer une seconde fois pour aller s’établir sur un territoire appartenant à la Russie, cette protectrice si empressée et si tendre des Slaves. Dans l’espoir que l’exemple des premiers volontaires entraînerait le reste de la population, qui paraissait fort indécise, les agens russes n’épargnèrent rien pour tenter les plus crédules. Des avantages de toute sorte furent promis, frais de route, établissement d’une ligne de communication régulière entre Vladi-Vostok et la Californie. On capta les journaux tchèques publiés à Chicago et ailleurs ; on réussit un instant à en faire des organes aussi dociles que l’Invalide ou la Gazette de Moscou, et au bout du compte on amena les Tchèques à envoyer des délégués pour choisir l’emplacement des colonies qu’on voulait établir, pour prendre tous les arrangemens nécessaires avec les autorités locales.
Cette députation fut de la part des Russes l’objet des soins les plus empressés et parut satisfaite du climat aussi bien que du sol ; mais elle n’avait pas eu de peine à s’apercevoir du peu de liberté dont jouissaient les autres colons, et alors elle exigea comme condition première pour ses compatriotes le droit de s’administrer