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Panuco, pour la troisième fois, avaient déchiré leur pacte et s’étaient prononcés en faveur de Juarès en fêtant le fameux Noriega, qui, chassé des montagnes de l’état de Puebla par le 3e zouaves, venait de faire irruption dans le pays à la tête de ses plateados[1]. Le général Moreno, commandant militaire de toute la Huasteca au nom de l’empereur Maximilien, s’était sauvé la nuit, désertant son poste, sans même essayer la résistance : ses lieutenans l’avaient suivi. Seul, San-Martin, village indien envahi par les insurgés, avait pris les armes pour lutter ; lâchement abandonné par le colonel Velarde, le second du général Moreno, il avait subi les horreurs du sac. Les impérialistes étaient partout en déroute, et les gardes nationales de nouvelle formation avaient abandonné les armes qui leur avaient été confiées sans brûler une cartouche. De tous côtés arrivèrent des messages implorant le secours de la contre-guérilla. De plus, les hacenderos s’engageaient à lever tous leurs serviteurs et à marcher en tête des Français. La route de San-Luis était désormais libre. Le colonel Du Pin leva donc le camp, et, se jetant brusquement sur sa gauche, pénétra dans la Huasteca en passant le 21 juin sur la rive droite du Tamesis. La contre-guérilla prit la direction de Huejutla, où s’étaient concentrés les libéraux réguliers et toutes les bandes insurgées.

Il n’y a point lieu d’énumérer les divers incidens de cette expédition, où la Huasteca fut sillonnée dans tous les sens. Un mois entier se passa en marches et en contre-marches, nécessaires à la pacification des pueblos que nous avions déjà traversés ayant le combat de San-Antonio. Parfois on rencontrait encore des peuplades ignorées et ignorantes des Européens. On se faisait jour à travers les forêts vierges. Tantôt les contre-guérillas apparaissaient sur les crêtes de montagnes volcaniques, flamboyantes de lumière sous le soleil couchant ; tantôt ils s’enfonçaient dans des vallées mystérieuses. Cependant l’ennemi ne perdait pas un seul instant de vue notre colonne en marche, et cinq fantassins de la contre-guérilla Prieto, attardés à l’arrière-garde, furent enlevés silencieusement. Longtemps leur mort resta le secret de la broussaille ; plus tard, des révélations apprirent quels cruels supplices ils avaient endurés. C’était bien là dans tous ses hasards, dans toutes ses fatigues, la vie de partisan. Chaque nuit alertes et embuscades, de temps à autre on capturait des bandits qu’on passait par les armes, Aujourd’hui abondance de fruits et de bétail, demain la misère dans

  1. Les plateados, les bandits les plus audacieux du Mexique, sont réputés pour la richesse de leurs vêtemens et de leurs armes surchargés d’argent (plata). Ils ont l’habitude de s’élancer de leurs montagnes comme l’oiseau de proie, et après leurs coups de main entraînent leurs prisonniers dans la sierra jusqu’à paiement de fortes rançons.