faire toilette, on se retire systématiquement de toute entreprise bienfaisante ou utile. L’abstention, une abstention sotte, opiniâtre, poussée jusqu’à l’inertie, est devenue parmi eux une règle d’honneur. Plusieurs ne veulent même pas prendre part aux élections ; ils dédaignent de se mêler à la vile multitude qui leur fait la loi. Ils craindraient, en participant à la chose publique, même par une opposition légale, de faire acte de citoyens et de reconnaître la honteuse suprématie des Yankees. S’ils sont membres d’une association charitable, ils lui retireront leurs conseils et leurs subsides ; s’ils sont administrateurs d’une banque, ils mettront vanité à contrarier leurs collègues républicains ; s’il y a dix sécessionistes sur vingt-sept trustees du Peabody-Institute, ce sont dix membres morts, qui protestent par leur absence, contre quoi ? ils n’en savent rien eux-mêmes. Ils essaient de faire le vide autour de leurs adversaires, sans songer que le désert est autour d’eux et que leur dépit ne nuit qu’à eux-mêmes. Libre à eux de faire les morts et de s’endormir d’une feinte léthargie ; leurs ennemis cependant leur passent sur le corps, et chaque jour ajoute une pelletée de terre à leur fosse. Quand, fatigués de ce rôle ingrat, ils voudront se relever et revivre, ils se trouveront bel et bien enterrés.
Vous n’avez pas oublié que le Maryland était presque un état rebelle. Les confédérés prétendent n’avoir pas renoncé à le ressaisir. Cette fameuse ligne de Mason et de Dixon, qui n’est autre chose que la frontière de l’esclavage, embrassait le Maryland dans ses limites. Pour le conserver à l’Union, il a fallu que Butler, dans toute l’inexpérience audacieuse d’un soldat improvisé, se jetât avec un régiment au milieu de ces populations ennemies : quand il traversa les rues de Baltimore, on lui tira des coups de fusil des fenêtres. Il a fallu aussi que le général Mac-Clellan (et le Maryland en a gardé le souvenir) prît au collet la législature rebelle et la mît sous clef avant qu’elle n’eût suivi l’exemple contagieux des ordonnances de sécession. Cette justice révolutionnaire a laissé des rancunes profondes. Il est au Maryland une classe qui se regarde comme conquise, et qui, livrée à elle-même, ne se contenterait pas, comme certains démocrates, de laisser la confédération « aller en paix, » mais embrasserait la cause des rebelles et ajouterait un débris de plus à leur ruine : c’était, il y a quatre ans, la majorité. Depuis, les événemens ont fait tourner la roue, et comme toujours l’influence de la majorité nationale a fait grandir la minorité locale sur laquelle elle s’appuyait dans l’état. Je doute qu’aujourd’hui, malgré toutes leurs protestations contre la tyrannie de l’Union, aucun des sécessionistes de Baltimore souhaite sincèrement qu’on l’envoie à Richmond. On fait des vœux pour la cause, mais on ne