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particulièrement les commentaires écrits par l’honnête confident de Mirabeau. La Marck est assurément un témoin en général bien instruit. Veut-on voir pourtant ce que deviennent ses affirmations en présence des documens authentiques ? Dans un fragment que M. de Bacourt donne au commencement de son introduction, La Marck affirme que ce fut une accusation bien injuste que celle qui attribuait à la reine une sorte de partialité pour les intérêts de l’Autriche. — Par exemple, dit-il, quand elle fut priée, lors de l’affaire de Bavière, d’intervenir en faveur de la cour de Vienne, avant d’en parler au roi, elle fit venir chez elle le comte de Maurepas ; mais ce ministre, après avoir exposé les raisons qui s’opposaient à ce que la France prît part à cette guerre, ajouta que les intérêts français devaient être, s’il était possible, plus chers que jamais à la reine dans la circonstance heureuse qui lui promettait de donner un héritier au trône. « La reine répondit aussitôt, continue La Marck, qu’elle ne se mêlerait plus de cette affaire et qu’elle n’en parlerait même pas au roi. » La Marck souligne ensuite ces trois mots : « Elle tint parole. » Quelques lignes plus bas, il insiste encore en disant : « Je n’avance que des faits certains, positifs, avérés, et qui, pour l’histoire, doivent rester incontestables. »

Il n’est pas possible, « comme on voit, d’affirmer plus expressément, La Marck est, nous le répétons, un témoin honnête et d’ordinaire bien instruit. Voici toutefois comment les documens irrécusables de M. d’Arneth lui répondent. En vue de cette intervention souhaitée au profit de l’Autriche, Marie-Antoinette a parlé au roi dès le milieu de mars 1778 ; elle a eu avec Maurepas et Vergennes tout au moins les neuf ou dix entrevues attestées par une série de lettres du 25 mars au 17 octobre. Elle se plaint hautement de ce qu’on ne lui a pas communiqué ou bien à Mercy une grave dépêche adressée au roi de Prusse. Elle ne se contente pas d’avoir à plusieurs reprises des scènes de larmes et d’attendrissement avec le roi ; elle va le trouver quand il est avec ses ministres, et on lit les dépêches devant elle. Cela dure, quoi qu’en dise La Marck, pendant tout le temps de la guerre, sans aucune autre interruption que le moment de ses premières couches, à la fin de 1778.

Malgré ces efforts de la reine, Louis XVI sut résister à tout entraînement. On lui doit cette justice, que dans toute cette période il paraît ne s’être pas laissé asservir, du moins comme souverain, par ses liens personnels avec l’Autriche. Parmi ses lettres autographes à M. de Vergennes conservées dans nos archives et encore inédites, j’en rencontre plusieurs qui trahissent un langage fort indépendant à l’endroit de la politique autrichienne, de Marie-Thérèse et de Joseph II. En voici une écrite le 15 avril 1775, et qui exprime