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victorieuse, et où c’était un Vénitien qui donnait le signal d’un mouvement destiné à entraîner l’Italie tout entière.

La première question était de définir la situation telle qu’elle était réellement, et cette situation Manin saisissait l’occasion de la préciser toutes les fois qu’en France, en Angleterre, on semblait revenir à la panacée de promesses libérales de l’Autriche, des intentions réformatrices de l’Autriche. « Nous ne demandons pas à l’Autriche, répétait-il, d’être humaine et libérale en Italie, ce qui du reste lui serait impossible quand elle en aurait l’intention. Nous lui demandons de s’en aller… Non, nous ne nous résignerons pas, non, nous ne resterons pas tranquilles tant que nous n’aurons pas atteint le but que nous poursuivons… Jusque-là, quoi qu’on fasse, nous nous agiterons toujours. Il y aura toujours en Italie un foyer de trouble, une occasion de guerre qui menaceront l’Europe et ne lui permettront pas de compter sur une paix durable… » La seconde question, bien autrement grave, était d’arriver à l’action, à la solution. Manin n’hésite pas. « Nous n’étions pas préparés à la révolution de 1848, dit-il sous toutes les formes aux Italiens ; il faut nous préparer à celle qui est possible et désirable, à celle qui peut éclater dans dix ans, dans cinq ans, dans un mois, demain… L’indépendance est pour nous au-dessus de tout. Indépendance et unification se touchent, l’une ne peut vivre sans l’autre. Pour y arriver, il faut chercher ce qui est pratiquement possible. Qui peut songer aujourd’hui à mettre de côté la monarchie libérale et nationale du Piémont ? Elle est trop forte pour être renversée par une révolution, trop faible pour abattre son rival sans la démocratie. Dès lors faisons alliance. Mettons de côté nos préférences, ne soyons ni républicains ni royalistes, soyons Italiens. Que notre but soit l’indépendance et l’unification, et dès ce moment que notre mot d’ordre soit : Victor-Emmanuel roi d’Italie ! Puisque les papistes et les soutiens de l’Autriche s’attachent à injurier la maison de Savoie, c’est qu’elle est une grande force italienne. » Une autre base du système de Manin, c’était l’alliance avec la France, quel que fût son gouvernement, pourvu qu’elle voulût faire la guerre, et ici encore, saisissant la question corps à corps, il montrait que, si l’Italie avait besoin de la France, la France ne pouvait retrouver qu’en Italie la garantie de sa grandeur. « Si nous pouvions parvenir à atteindre notre but, écrivait-il à nos journaux, si l’Italie, cessant d’être une simple dénomination géographique, pouvait devenir une individualité politique puissante et prospère, cela pourrait-il être dangereux ou nuisible ou simplement désagréable à la France ? »

Ainsi nécessité première de l’indépendance, unification de la péninsule sous la bannière de la maison de Savoie, au cri de