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donnés dans un pays voisin, Duccio n’éprouve, en face d’autres exemples, ni un sentiment de fierté aussi opiniâtre, ni les mêmes défiances. On pourrait, d’après les listes indications que fournissent à ce sujet MM. Crowe et Cavalcaselle, retrouver dans les mosaïques. byzantines, dans certains bas-reliefs, dans les miniatures de quelques manuscrits, l’origine de plus d’une figure, le principe de plus d’une scène peinte par le maître siennois, et reconnaître, chez celui-ci l’art de rajeunir ou d’améliorer une donnée traditionnelle plutôt que la puissance d’invention nécessaire pour créer lui-même une tradition. Par quels liens au contraire les œuvres de Giotto se rattachent-elles au passé ? Où surprendre l’indice, je ne dirai pas d’un emprunt, mais d’un souvenir quelconque, de la moindre velléité d’imitation ? Tout y est neuf, imprévu, absolument imaginé, et l’on peut dire que, sauf les couleurs consacrées, des draperies, dont il revêt les personnages évangéliques, sauf, certaines, formules, hiératiques qu’il lui était interdit de modifier, sous peine de profanation, Giotto a trouvé chaque élément de compositions dans les seules ressources de sa pensée. C’est par là qu’il l’emporte sur tous les autres peintres trecentisti. Le mieux doué de ceux-ci parmi les Siennois se venge, en quelque sorte de cette souveraineté du génie, en refusant ouvertement de la subir, en cherchant à ses propres risques, en lui-même ou dans les monumens de l’art antérieur, les moyens de conquérir aussi ses privilèges et d’opposer d’autres progrès aux progrès qui s’accomplissent à Florence. Duccio néanmoins, malgré la vigueur de ses efforts et les légitimes succès qui les récompensent, Duccio ne réussit s’élever qu’au rang d’un chef d’école, à n’exercer qu’un empire restreint au lieu du vaste pouvoir et des prérogatives qui appartiennent presque dès les premiers jours à Giotto.

Bien plus : en dépit des résistances de Duccio et des siens, le moment vient où une partie de l’école siennoise elle-même, se laisse séduire, où, sans renier tout à fait ses origines, sans passer résolûment à l’ennemi, elle consent du moins à accepter quelque chose de la domination qu’elle semblait d’abord si énergiquement repousser. C’est alors que Simone Memmi ou, pour l’appeler de son vrai nom, Simone Martini, renonçant à la méthode adoptée pour l’exécution de ses premières fresques dans le palais public à Sienne, entreprend, dans l’église d’Assise les peintures de cette chapelle de saint Martin que l’on a confondues quelquefois avec les travaux voisins des Giotteschi, et qu’il se prépare aux grandes tâches dont il s’acquittera à Sienne, à Florence et à Pise ; c’est alors, qu’à l’exemple de Simone, mais avec une moins haute habileté, plusieurs autres peintres siennois, Lippo Memmi, les frères Lorenzetti, Pietro Laurati, travaillent à combiner dans leurs ouvrages