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jours de suite des mêmes fonctions. Après avoir déjà travaillé quelques heures à partir du coucher du soleil, il s’est rendu chez lui pour prendre son repas du soir, et quand il revient dans la salle du transit-circle il fait tout à fait nuit. Les volets qui ferment pendant le jour une partie du plafond sont levés, et le ciel tout entier semble entrer dans la chambre par cette ouverture.

Après avoir consulté la liste des corps lumineux qu’il doit observer, l’heure de leur passage et leur situation approximative dans le ciel, l’astronome ajuste le télescope au moyen de manches saillans jusqu’à ce qu’il ait bien trouvé la direction convenable. Ceci fait, il s’assoit dans un bon fauteuil dont le dossier se renverse à volonté. Plus l’objet qu’on désire atteindre de l’œil est à une grande hauteur dans le ciel, et plus il faut être bas pour le voir. S’agit-il par exemple d’une étoile située près du zénith, l’observateur devra se coucher tout à fait sur le dos. Jusqu’ici rien ne paraît encore ; mais l’assistant de service se tient sur le qui-vive. Son attention n’est comparable qu’à celle du chasseur ou encore mieux à celle du chien d’arrêt : seulement, au lieu d’une perdrix ou d’une bécasse, il s’attend à voir lever une étoile. La voici ! elle accourt vive et soudaine comme un météore. A peine est-elle entrée dans le champ du télescope qu’on la voit s’approcher rapidement de ce qui paraît être une série de grosses barres de fer transversales placées à égales distance les unes des autres. Ce ne sont pourtant en réalité que des fils de toile d’araignée tendus selon un système dans l’intérieur de la lunette et merveilleusement grossis par la puissance des verres. Au moment où l’astre attendu passe derrière le premier fil, l’observateur appuie le doigt sur une clé d’ivoire attachée à l’instrument et qui éveille à l’instant même un courant magnétique dont il nous faudra suivre la trace et l’action dans une autre chambre appelée chronographic room, la chambre du chronographe. Qu’il nous suffise de savoir pour le moment que ce mouvement des doigts annonce l’ordre des faits tels qu’ils se passent dans l’intérieur du télescope et au fur et à mesure qu’ils sont saisis par la vue. On appelle cela « frapper un passage ; » ce bouton comprimé tape effectivement en jouant sur son ressort, et les astronomes de Greenwich sont à cet égard les rapping spirits des phénomènes célestes. Chacun d’eux a sa manière de toucher la clé d’ivoire, et au milieu du silence de la nuit les autres assistans reconnaissent tout de suite, sans même se donner la peine d’ouvrir la porte, quel est celui qui travaille dans la salle. Ou prétend en outre que certaines nuances de caractère ou certaines émotions de l’âme, telles que l’impatience ou l’inquiétude, impriment à ces vibrations de l’instrument un ton particulier. Toujours au guet, l’observateur n’a point un instant perdu de vue son étoile,