Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/1049

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tres effets dont la nature seule a le secret. — M. Michot fait un Max très présentable. Il dit correctement l’air du premier acte. Son intonation dans certaines parties du rôle, les premières mesures d’entrée dans la scène fantastique, son récit dans le second finale, pourraient être plus justes : trop souvent, dans la première partie du trio du second acte par exemple, il lui arrive aussi de ralentir le mouvement; mais la voix a de la franchise et suffit au personnage. On a beaucoup applaudi M. Troy le premier soir, on a même fait de lui en quelque sorte le héros de la représentation. M. Troy enlève rondement les couplets de Caspar au premier acte; c’est en somme ce qu’il réussit de mieux, servi qu’il est par la souplesse vigoureuse de sa voix de baryton. Quant à l’ensemble du caractère, il lui échappe complètement. Représenter le diabolique gredin n’était point son affaire; il n’en a ni la peau, ni l’organe. Donizetti lui vaut mieux que Weber. Cette voix onctueuse, qui se fait agréablement écouter dans un cantabile de Don Pasquale, s’enroue ici en pure perte; les notes graves, rudes, ne s’entendent pas, tout le côté sarcastique disparaît; l’acteur a beau se hausser sur ses talons, se grimer, renfler le ton, ses airs féroces n’effraient point; on se dit : C’est le diable boiteux de Lesage qui se démène dans son bocal. Lui-même ne croit pas à son personnage, et cette absence de conviction, dont tout le monde du reste a l’air de ressentir l’influence, ôte à l’ensemble de l’exécution son principal intérêt. On eût dit presque de la désuétude alors que chacun s’attendait à quelque solennité comme on en compte trois ou quatre dans les fastes du Théâtre-Lyrique, la première représentation d’Oberon par exemple, celle des Noces de Figaro, de la Flûte enchantée ou de Don Juan. L’orchestre, de son côté, fait ce qu’il peut, et ce qu’il peut n’est plus assez. Les concerts du Conservatoire, et après le Conservatoire les concerts populaires ont créé pour cette musique un idéal d’interprétation qui rend tout impossible. Au théâtre, il n’y a guère en France que l’orchestre de l’Opéra qui soit capable d’aborder victorieusement aujourd’hui ces magnifiques symphonies qu’on appelle les ouvertures d’Oberon, d’Euryanthe ou du Freischütz. Ce n’est point la faute des excellons instrumentistes du Théâtre-Lyrique, si ce que nous avons entendu hier, si ce que nous entendrons demain amène involontairement des comparaisons défavorables, et si, l’oreille remplie de ces éclatantes résonnances, poursuivis de l’idée de cette précision dans les mouvemens, de cet art infini dans les nuances, nous trouvons désormais sans intérêt ce qui n’est que le simple ordinaire. Rien à dire de la mise en scène : ni pittoresque ni terreur; une diablerie de la place du Châtelet. Il semble que le Théâtre-Lyrique ait agi sans grande foi dans le succès. On s’était pourtant mis en frais d’une lune d’incantation, une vraie lune, afin d’éclairer pour ces bons Parisiens la vraie musique de Weber. Comme on tenait à se procurer ce qu’il y a de mieux en ce genre, on s’était adressé en Angleterre à la maison la plus connue pour ce genre d’exportation. Pendant une semaine, cette lune fut le sujet de toutes les conversa-