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pour les oreilles des visiteurs. L’homme qui montrait la cloche lui imprimait d’amples oscillations, et les passans admiraient la facilité avec laquelle il faisait mouvoir ce formidable engin. Un ecclésiastique, homme instruit et spirituel (on peut soupçonner que c’était le père Secchi lui-même), s’approcha du démonstrateur et lui dit : « Votre système de supports est fort bien combiné, il vous permet de remuer cette grande masse très facilement ; mais en serait-il de même, si la cloche avait son battant et si elle sonnait ? » Les assistans ne comprirent pas sans doute la pensée du malin ecclésiastique. C’est qu’en effet, si la cloche avait dû rendre des sons, c’est-à-dire ébranler l’air fortement, il eût fallu, bon gré, mal gré, trouver la force nécessaire pour produire un pareil ébranlement. Si parfait qu’eût été le mécanisme du support, cette force eût dû être empruntée au bras qui tirait la corde. Quand une cloche vibre, c’est l’effort du sonneur qui se convertit en son. Supprimer le battant, c’est-à-dire le son, c’était rendre la tâche facile au sonneur.


II

Tant vaut la cause, tant vaut l’effet. Tel est le point de vue où nous nous trouverons sans cesse placé quand nous essaierons dans un instant de rappeler brièvement les faits principaux sur lesquels repose l’idée de l’unité des forces physiques. Avant d’entrer dans cet examen, nous voulons encore répondre à deux questions qui se présentent d’elles-mêmes au sujet de l’hypothèse que nous développons. Cette hypothèse est-elle utile ? Cette hypothèse est-elle réellement nouvelle ?

Et d’abord est-elle utile ? Les grands progrès que la science moderne a réalisés sont dus à l’expérience et à l’observation. Non fingo hypotheses, a écrit Newton au frontispice de ses œuvres. Nullius in verba, dit l’écusson de la Société royale de Londres. Provando e riprovando, dit également dans son emblème l’académie florentine fondée par Galilée. Il est certain que la physique moderne s’est faite en examinant les phénomènes eux-mêmes indépendamment de leurs causes supposées, en les soumettant à des mesures exactes au moyen d’instrumens de précision. On peut même dire que la science a marché en raison des perfectionnemens successifs qui étaient apportés aux instrumens de mesure. Nous savons aujourd’hui apprécier avec rigueur la millième partie d’un millimètre, la dix-millième partie d’une seconde, et nous ne sommes pas près de renoncer aux recherches que nous pouvons entreprendre avec de pareils moyens d’investigation. Certes la méthode expérimentale qui a déjà donné de si brillans résultats n’est pas