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était revendiqué par Charles d’Orléans du chef de sa mère, Valentine Visconti. Le roi de France appuyait cette revendication, et il était d’une bonne politique de le ménager pour s’en faire au besoin un appui. Aussi fait-il insérer dans le traité avec la république milanaise que la guerre sera poursuivie contre tous les ennemis de la république, excepté contre la maison de France. Il n’échappait pas à sa pénétration que, dans les luttes de sa maison en Italie, son plus sûr allié était la France. En dépit de ces conseils et de ces secours, le duc Louis fut obligé de faire la paix avec l’heureux usurpateur sans obtenir la partie cédée de la Lombardie. Cette guerre finit encore par un mariage. Bonne de Savoie fut donnée au fils de l’aventurier italien, devenu duc de Milan.

Ce serait une curieuse histoire que celle des mariages de la maison de Savoie. Ce qu’on a dit de la maison d’Autriche : Tu, felix Austria, nube, s’appliquerait peut-être avec plus de justesse à celle de Savoie. Race féconde s’il en fut, elle a eu toujours en réserve des princesses vives, alertes et spirituelles, rachetant par les qualités supérieures de l’esprit et du cœur une certaine vulgarité dans les traits du visage, ornemens des cours et souvent gloires nationales des pays qu’elles avaient adoptés. A ces traits, on peut reconnaître celles que la France a reçues, cette Louise de Savoie, la vaillante mère de François Ier, qui porta le poids de la régence pendant la captivité de son fils, et ne souffrit pas que le royaume fût amoindri par le désastre de Pavie ; cette autre Louise, qui égaya par son esprit et ses grâces la vieillesse désolée de Louis XIV ; sa sœur Adélaïde, qui, transplantée en Espagne avec son mari le duc d’Anjou, lui gagna les cœurs espagnols et enracina dans ce pays la dynastie des Bourbons. On en a vu s’asseoir sur la plupart des trônes de l’Europe, en France, en Espagne, en Portugal et même en Angleterre, avant que l’Angleterre eût mis à l’interdit les reines catholiques. Les mariages anglais seraient un des épisodes les plus singuliers de cette histoire. Ils répondaient à un plan d’agrandissement en-deçà des monts, pour l’exécution duquel il était nécessaire de chercher l’appui de l’Angleterre. De 1236 à 1250, deux nièces de Pierre II entrèrent dans la famille des Plantagenets. L’une, qui s’appelait Eléonore, femme d’une beauté accomplie, au dire de Matthieu Paris, speciei venustissimœ[1], fit tourner l’influence qu’elle avait prise sur son royal époux Henri III au profit de sa nombreuse parenté de Savoie. Pierre II reçut du roi anglais la seigneurie de Richmont, le protectorat des comtés d’Essex et de Warenne, et des sommes immenses qui l’aidèrent puissamment à

  1. Matth. Paris, Histor. Major., p. 420.