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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/84

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d’un affranchi pouvait aborder le descendant des Lucumons d’Etrurie, et qui bientôt se sentait à l’aise auprès du troisième personnage de l’empire. Après avoir présenté Horace à Auguste, non-seulement Mécène invitait le poète à souper, mais, ce qui est plus aimable, il allait souper chez lui. Bien des riches ont porté ce nom de Mécène pour avoir encouragé les hommes de lettres tout différemment, c’est-à-dire les payant pour leur platitude et se remboursant en impertinence, les invitant à souper au bout de leur table somptueuse, au lieu de faire comme Mécène, qui allait dans la villa modeste d’Horace boire son petit vin de la Sabine. Le vrai Mécène était simple et cordial, quoiqu’il fût riche, et en faveur. Y en a-t-il eu beaucoup d’autres comme celui-là ?

A-t-on à Rome un portrait de Mécène ? Visconti reconnaissait ce personnage dans un prétendu Cicéron du Capitole. Plusieurs juges compétens, P.-E. Visconti, Missirini, Cigognara et Raoul-Rochette, se sont accordés à voir un Mécène dans un buste trouvé à Carseoli, qui ressemble à deux pierres gravées qui le représentent d’après Visconti. Dans le buste, le haut de la tête est chauve, particularité caractéristique de Mécène, qui, pour cette raison, était dans l’usage de se couvrir la tête de son manteau.

Les jardins de Mécène, que consacre la sépulture d’Horace, étaient sur l’Esquilin, alors aussi bien qu’aujourd’hui presque entièrement couvert de jardins. Ils avaient remplacé le cimetière des pauvres, où, comme dans les campi santi de nos jours, il n’y avait pour les cadavres des indigens que des fosses communes, appelées puits (puticuli). Mécène, fit disparaître ce lieu infect où les ossemens laissés, sans sépulture appelaient les loups et les oiseaux de proie, où Horace avait placé la scène des affreux enchantemens de Canidie, et le remplaça par ses jardins magnifiques. L’assainissement du quartier y gagna, et Horace put dire que les Esquilies étaient devenues salubres.

La maison de Mécène devait être considérable. On sait que le descendant des rois étrusques y avait réuni toutes les recherches du comfortable. Quand Auguste était malade, il se faisait transporter chez Mécène. En sa qualité de descendant des Étrusques, qui avaient, dit-on, inventé les tours, Mécène en avait fait construire une très élevée ; au sommet était un belvédère d’où il considérait, dit Horace, la fumée et l’agitation de l’opulente Rome ; c’est probablement de là que Néron prit plaisir à la voir brûler[1]. Il

  1. Quant à l’édifice qui, à Tivoli, porté Tel nom de maison de Mécène, et dans lequel on a fait servir aux travaux d’une usine une portion des cascatelles chantées par Horace, il est reconnu aujourd’hui que c’était un temple, et un temple d’Hercule. On a trouvé une inscription qui le prouve.