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tour du soleil se retrouvent dans la circulation des satellites autour des planètes[1].

L’hypothèse de Laplace nous conduit donc depuis l’origine du soleil jusqu’au développement complet de notre système solaire ; mais concevons maintenant une phase antérieure et efforçons-nous d’en imaginer l’histoire. Reportons-nous à un point de la suite des âges où nul système n’existe encore. L’éther seul remplit l’espace de ses atomes en mouvement. Si ce milieu est rigoureusement semblable à lui-même dans toutes ses parties, l’agitation uniforme continuera sans fin ; mais si parmi ces atomes primitifs il existe en certains points quelque dissemblance, les atomes prépondérans deviennent aussitôt des centres de groupement. Ils s’approchent les uns des autres suivant le mode que nous avons décrit. Une sorte de triage s’opère ainsi dans la masse universelle ; l’éther devient de plus en plus homogène à mesure que les élémens de dissemblance se réunissent en certains centres. Ainsi se forme au sein de l’éther de plus en plus épuré une essence cosmique universellement répandue, germe subtil de la matière pondérable. C’est en effet la gravité qui vient de prendre naissance dans le phénomène que nous avons esquissé, et elle s’accuse plus nettement à mesure que se dessinent les groupes moléculaires, et que l’éther se trouve amené à l’uniformité atomique. Voilà donc l’espace occupé par une sorte de réseau embryonnaire dont les atomes éthérés remplissent les interstices. Le mouvement d’attraction qui a commencé ne s’arrête plus. En même temps que l’éther tendait vers un régime uniforme, les molécules rudimentaires absorbaient tous les élémens de dissemblance : aussi sont-elles inégalement choquées dans des sens divers ; le mouvement de translation et le mouvement de rotation leur sont naturels. La variété est aussi le caractère du réseau cosmique en raison même de son origine ; il se déchire donc çà et là en nappes irrégulières, où se manifestent des effets de concentration. Ici nous touchons au point où l’observation télescopique vient au secours de la spéculation pure. A mesure que les astronomes plongent plus avant dans les profondeurs des cieux, ils découvrent un nombre de plus en plus considérable de ces nappes cosmiques, dont les

  1. Est-il besoin de rappeler ici l’expérience brillante à laquelle un physicien belge, M. Plateau, a attaché son nom, et qui reproduit les principales phases de ces créations célestes ? On met dans un vase un mélange d’eau et d’alcool au centre duquel on place une goutte d’huile. Dans cette goutte, on introduit une aiguille à laquelle on donne un mouvement régulier de rotation. La sphère huileuse tourne avec son axe et s’aplatit aux pôles. Bientôt du renflement de son équateur s’échappe, si l’expérience est habilement conduite, une sorte d’anneau qui se rompt en globules dont chacun commence à tourner autour de la masse centrale. On peut ainsi faire un monde dans un verre d’eau.