Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/940

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

unes sont résolubles en étoiles, tandis que les autres conservent l’aspect de nébulosités irréductibles. Ces dernières ne doivent-elles cette apparence qu’à l’éloignement, et faut-il croire qu’à l’aide de grossissemens plus forts on les décomposerait en points lumineux ? L’opinion peut varier à cet égard dans tel ou tel cas particulier, au sujet de telle ou telle nébuleuse spéciale ; mais l’ensemble des observations porte à croire que ces agglomérations sont des mondes à des degrés divers de formation. Dans les unes, la matière cosmique serait encore diffuse ; dans les autres, les noyaux solaires seraient plus ou moins formés ; dans d’autres encore, les soleils auraient engendré déjà leur cortège de satellites. Ainsi nous aurions devant nous, plus ou moins accessibles à nos télescopes, les spécimens des phases diverses que traversent les mondes.

On n’attachera pas à ces indications plus d’importance qu’elles n’en méritent. Si Laplace renvoyait son hypothèse à la fin d’un de ses livres, où ne faudrait-il pas reléguer l’ébauche cosmogonique qui vient d’être esquissée ? Nous avons essayé de reporter à l’origine même des formations cosmiques cette conception qui nous représente la gravité comme une conséquence des mouvemens de l’éther. Les aperçus que nous avons donnés à cet égard peuvent sembler injustifiables. On peut les rejeter sans infirmer du même coup les considérations qui portent sur la nature même de la gravité, telle que nous pouvons l’observer dans notre monde actuel, au milieu de circonstances accessibles à notre analyse.


XI.

Il nous faut maintenant revenir par un saut brusque des mouvemens célestes aux phénomènes moléculaires, des espaces immenses où s’étend la gravité aux distances infiniment petites où se manifestent la cohésion et l’affinité chimique. Nous avons signalé déjà la puissance énorme de ces deux dernières forces ; mais les résultats numériques que nous avons rapportés n’en donnent qu’une faible idée. On sait que des changemens de cohésion, la congélation de l’eau par exemple et la solidification du bismuth, peuvent briser des bouteilles de fer épaisses de plusieurs centimètres ; nous ne parlons pas des effets formidables que produisent les affinités des mélanges explosibles ; les simples actions qui forment et maintiennent les agrégations ordinaires ont une puissance telle qu’on a pu les appeler dans un langage figuré des géans travestis. Il semble au premier abord que les corps célestes absorbent dans leur course à travers l’espace la plus grande partie de la force vive qui est répandue dans l’univers : c’est le contraire qui est vrai ; la force vive