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et en sucre ; on a vu de nouvelles cellules se juxtaposer à la première par une gemmation liquide dont l’enveloppe se coagulait ; les matières solubles élaborées dans cette vie rudimentaire arrivaient ainsi à constituer les premiers élémens des végétaux. Dans le germe animal, dans l’œuf, on voit une matière granuleuse se diviser en plusieurs segmens sphéroïdaux, et chacun d’eux se convertir en vésicule par la coagulation de sa couche superficielle ; puis les vésicules se collent les unes contre les autres, se multiplient par scission, c’est-à-dire par formation de membranes intérieures, et arrivent à constituer la toile cellulaire d’où doit sortir l’embryon. C’est dans cette toile que se disposent par un mécanisme analogue les rudimens des organes, d’un appareil circulatoire, d’un système nerveux.

Si maintenant nous essayons de condenser cette notion primordiale de la vie, de la ramener à ses élémens essentiels, qu’y trouvons-nous ? — D’une part les matériaux mêmes du monde inorganique[1], d’autre part une série de mouvemens qui se succèdent les uns aux autres dans un ordre déterminé. La succession définie de ces mouvemens offre sans doute un caractère tout spécial, mais à travers leurs transformations successives on ne trouvera rien qui blesse les lois de la mécanique moléculaire. Est-ce à dire que nous ayons là tous les élémens de la vie ? Quelle est la cause qui forme la première cellule, qui en tire le développement de l’être, qui règle et limite son évolution ? Il est trop clair qu’au point de vue des faits nous ne pouvons répondre à cette question. Nous n’avons donc que deux partis à prendre : ou suspendre notre jugement, ou admettre une cause spéciale dont le principe soit propre aux phénomènes vitaux. De la nature même de cette cause nous n’avons pas à nous occuper ici, et, puisqu’elle se manifeste par des mouvemens, son nom est tout trouvé dans la langue que nous parlons, nous devons l’appeler une force. Que nous apprennent sur l’action de cette force les préliminaires que nous venons de poser ? C’est là-dessus qu’il faut bien s’entendre. Elle détermine des mouvemens, mais elle ne peut les produire qu’aux dépens de mouvemens antérieurs : de même qu’elle ne crée pas les matériaux des organismes, mais qu’elle les façonne seulement à l’aide d’élémens préexistans, de même elle ne crée pas les mouvemens, et peut seulement les transformer. C’est ainsi que les phénomènes vitaux, sans perdre leur caractère spécial, rentrent entièrement dans la synthèse des mouvemens matériels. Si la force vitale a une activité propre, cette activité consiste à transformer,

  1. La chimie compte aujourd’hui soixante-dix corps simples environ ; seize de ces corps entrent dans l’organisme humain et ! e composent tout entier. Quelque compliquée que soit l’architecture de ses molécules, l’homme est réductible à ces seize élémens.