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tionnelle des Ibères, et leurs masures n’ont rien à envier aux maisons lépreuses des villages aragonais et catalans : il est même des bourgades, telles que Vera, au pied méridional de la Rhune, où le voyageur ne peut trouver l’hospitalité qu’en d’immondes galetas tout pénétrés de l’odeur des porcheries. De leur côté, si les Basques français ont encore gardé la politesse et la dignité simple de leurs ancêtres, s’ils se respectent dans leurs demeures comme sur leurs propres personnes et prennent soin de blanchir leurs maisons et d’en faire reluire les meubles, ils ont perdu toute fierté civique en perdant leurs anciens fors. Avec leur autonomie politique, les mœurs de citoyens ont disparu; par des transitions graduelles, les Basques français s’assimilent peu à peu à leurs anciens compatriotes les Béarnais et les Gascons, déjà complètement modifiés par la civilisation latine.

Une statistique morale des populations euskariennes serait bien difficile à faire à cause de la diversité des jugemens que ne manqueraient pas de porter à cet égard les anthropologistes suivant la différence de leurs opinions politiques et religieuses; mais, l’étude des caractères physiques étant une question d’observation directe, quelques savans consciencieux parcourant le pays basque pourraient en peu de temps résoudre au moins cette partie du problème. Récemment M. Broca a brillamment inauguré cette œuvre de recherches méthodiques et précises. Aidé par un médecin espagnol, M. Velasco, il a recueilli dans un vieux cimetière de Zarauz, village du Guipuzcoa rarement visité naguère, une soixantaine de crânes qui depuis ont été déposés précieusement dans le musée de la Société d’anthropologie. Au grand étonnement des ethnologistes, ces crânes se sont trouvés dolicocéphales, c’est-à-dire qu’ils sont relativement très allongés dans le sens du front à l’occiput. Or le célèbre professeur suédois Retzius avait cru pouvoir conclure de l’examen de quelques crânes basques envoyés de Paris[1] que les Ibères étaient brachycéphales, c’est-à-dire qu’ils avaient la tête courte en comparaison de celles des Germains, des Scandinaves et des Celtes. Cette théorie avait été universellement acceptée comme l’expression même de la vérité; les Basques avaient été classés pour la forme du

  1. Dans son cours sur l’Ethnologie dans ses rapports avec la forme du crâne humain, Retzius parle de « plusieurs exemplaires magnifiques » de crânes basques étudiés par lui; mais, dans un ouvrage de M. Broca, nous lisons que ces exemplaires auraient été seulement au nombre de deux. D’après la définition donnée par Retzius dans une lettre manuscrite publiée depuis par Seligmann, la dolicocéphalie est caractérisée par un diamètre transversal inférieur d’environ 1/4 au diamètre longitudinal; dans la brachycéphalie, le diamètre transversal est inférieur seulement de 1/5e à 1/6e ; M. Broca donne des chiffres un peu différens.