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doute à leurs faces bronzées par le soleil. Enfin les témoignages des géographes romains s’accordent tous à déclarer que les Ibères avaient colonisé les trois grandes îles de la Méditerranée, et les nations liguriennes qui habitaient les côtes de l’Italie appartenaient à la même souche. Les pentes de l’ancien volcan occupé jadis par Albe la Longue semblent aussi avoir été peuplées de Basques. C’est aux portes de Rome que s’engageait entre les deux langues cette lutte qui se prolonge depuis trente siècles, et qui ne peut manquer de se terminer dans un prochain avenir par la victoire définitive des idiomes issus du latin. Après avoir graduellement reculé devant les envahisseurs, les Basques, désormais enfermés dans leur étroit horizon de collines et de montagnes, ne sauraient plus sans un miracle compter sur une longue durée pour le langage de leurs aïeux.

Il paraît cependant que les limites actuelles de l’idiome eskuara ne se sont guère modifiées depuis l’époque romaine, du moins du côté de la France. L’influence prépondérante qu’une langue policée, ayant ses poètes, ses orateurs, ses philosophes, devait exercer sur des dialectes dépourvus de toute littérature, a certainement contribué, pour une forte part, à faire disparaître le basque dans presque toutes les provinces des Pyrénées et de l’Ibérie conquises par les généraux romains ; mais la violence fit peut-être beaucoup plus encore. Les massacres de populations entières, les enlèvemens de milliers et de milliers de captifs destinés aux jeux des arènes, les transportations en masse de tribus auxquelles on assignait de nouveaux territoires, la longue et savante pression administrative que les proconsuls firent subir aux peuples vaincus, puis quatre ou cinq siècles de servitude, finirent par priver les aborigènes de l’usage même de leur langue. Le basque cessa d’être parlé dans les plaines situées à la base des Pyrénées et même dans les vallées les plus reculées de la haute chaîne ; il se maintint seulement à l’ouest de la ville d’Oloron et du pic d’Anie, c’est-à-dire que dès cette époque, déjà bien éloignée de nous, il se trouva resserré, comme aujourd’hui, dans son étroit domaine aux bords du golfe de Gascogne. Les premiers documens écrits du moyen âge montrent en effet qu’on ne parlait plus l’eskuara ni dans le val d’Andorre, ni dans les confédérations républicaines des Pyrénées centrales, ni sur les bords des gaves d’Aspe et d’Oloron. La limite de séparation entre les dialectes romans et les dialectes basques passait exactement aux endroits où elle passe de nos jours. Les localités de la plaine de l’Adour et du Gave, où pendant les premiers siècles du moyen âge l’on parlait un patois dérivé de la langue des conquérans romains, sont encore actuellement les avant-postes des Béarnais, tandis que les hameaux con-