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d’autant plus pénible à supporter, que la cause secrète en devait rester profondément cachée à tous les yeux. Tâchons d’en bien expliquer la nature.

Pie VII, on s’en souvient, était parti de Rome troublé jusqu’au plus profond de son âme de la terrible responsabilité qu’allait faire peser sur lui, pendant son séjour à Paris, sa double qualité de souverain temporel et de gardien de la foi catholique. Il s’était bien promis de ne point mériter le reproche d’avoir sacrifié injustement l’un à l’autre aucun des intérêts si considérables, mais d’essence si diverse, qui se trouvaient forcément confondus dans ses mains. Il avait donc mis le soin le plus attentif à bien établir avant son départ de Rome qu’il n’avait, comme prince régnant, voulu mettre aucune condition expresse à sa venue en France. Il n’avait de ce chef rien demandé, rien insinué ; il avait même repoussé les conseils du cardinal Fesch, qui, à plusieurs reprises, avait insisté pour qu’il réclamât, avant son départ et comme un préliminaire indispensable, la restitution des Légations. Tout autre avait été la préoccupation du saint-père. Parmi les assurances aussi vagues que nombreuses qui lui furent alors prodiguées, une seule avait paru lui tenir à cœur, à savoir qu’en dehors des communications officielles entre les deux gouvernemens l’empereur s’aboucherait confidemment avec lui et l’écouterait favorablement au sujet des affaires de la religion. Sur ce seul engagement, que verbalement et par écrit il n’avait pas cessé d’exiger avec une persistante inflexibilité, s’étaient fondées, à vrai dire, toutes ses espérances.

Resté toujours modeste, timide même, comme il l’était encore dans ses relations personnelles, Pie VII, depuis qu’il était monté sur le siège de Saint-Pierre, n’en avait pas moins acquis une certaine confiance dans l’autorité de son action pontificale. Le choix que le sacré-collège avait fait de lui, cette élévation si imprévue, si peu souhaitée, qui était venue le surprendre au sein de la plus innocente obscurité, lui étaient clairement apparus comme le signe des mystérieux desseins que la Providence se proposait d’accomplir par son humble entremise. Les respects mérités que ses rares vertus lui avaient attirés de la part de ses sujets italiens et des catholiques du monde entier, les témoignages de déférence qu’il avait reçus des souverains de l’Europe, plus que tout le reste l’empressement que le chef de la France républicaine avait mis à le rechercher et la facilité avec laquelle avait été signé si promptement le concordat, cet heureux fruit de leur utile accord, avaient insensiblement convaincu le pieux pontife qu’une sainte mission lui était réservée, à laquelle les secours d’en haut ne feraient certainement point défaut, mais pour laquelle, à ne tenir compte que des considérations purement humaines, il pouvait se croire merveilleusement bien préparé.