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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/152

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ou du roi Amatsia. C’est à Jérusalem ou aux alentours qu’il résidait. Sa femme lui donna trois fils dont les noms étranges nous occuperont bientôt. Il commença sa carrière de prophète en la dernière année du roi Ozias, c’est-à-dire l’an 758 avant notre ère, et cette carrière se prolongea sous le règne des trois successeurs d’Ozias, savoir Yotham (758-741), Achaz (741-725), Ézéchias (725-696), ce qui fait un ministère actif de soixante-deux ans. Rien ne nous permet de supposer qu’il ait survécu à son roi de prédilection Ézéchias, car, en admettant qu’il eût vingt-cinq ans lorsqu’il commença ses prédications (et les mœurs israélites défendent de se le représenter plus jeune à ce moment), il devait avoir au moins quatre-vingt-sept ans à la mort d’Ézéchias. D’autre part, les documens historiques se taisent entièrement à son sujet depuis les environs de l’an 712, treizième du règne d’Ézéchias, qui gouverna vingt-neuf ans. Nous pouvons donc en toute sûreté reléguer dans le royaume de la fable la tradition, du reste fort ancienne, qui veut que le vieil Ésaïe, persécuté par le successeur d’Ézéchias, le roi Manassé, ait été scié vivant avec le cèdre dans le creux duquel il avait cru trouver un refuge. La scie, dit la légende, aurait pénétré dans l’arbre précisément à la hauteur de la bouche du prophète. Cette tradition rabbinique, à laquelle l’épître aux Hébreux[1] semble faire allusion, pourrait bien être l’expression poétique de la malveillance de Manassé et du parti militaire de son temps à l’égard des prophètes, que la violence aurait contraints au silence et peut-être à la fuite dans les forêts des montagnes. Il est encore très évident qu’il n’y a rien d’historique dans une autre légende d’après laquelle Ésaïe aurait perdu pendant un temps le don prophétique à cause de sa tolérance pour le roi Ozias, usurpateur des fonctions sacerdotales, qui, en punition de sa faute, aurait été lui-même miraculeusement frappé d’une lèpre incurable. Cette usurpation d’Ozias est plus que douteuse. Le livre des Rois, qui parle de sa lèpre, ne dit rien de son sacrilège, lequel n’a été raconté que par le rédacteur des Chroniques. Or les tendances extrêmement sacerdotales de ce dernier livre inspirent des préjugés légitimes contre les récits qui viennent trop visiblement confirmer les prétentions de caste des lévites. Si donc nous voulons réunir quelques données de plus sur la vie et le rôle historique d’Ésaïe, il nous faut procéder par induction en nous fondant sur : les indications que nous fournissent ses écrits.

Ainsi nous voyons que l’année de la mort du roi Ozias il eut une vision qui détermina sa vocation prophétique, ou, si l’on veut, qui en fut le premier symptôme. Il vit l’Éternel assis sur son trône,

  1. Nouveau Testament, XI, 37.