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Dans le nombre se trouvaient des prêtres et des laïques, des hommes et des femmes. Les six évêques spécialement chargés par leurs dépositions nièrent d’abord avec audace ; mais les témoins soutinrent fermement leurs dires, circonstancièrent toutes choses, indiquant la nature des présens faits à Antonin, leur valeur, le temps, le lieu où ces présens avaient été remis par chacun des accusés. Il ressortait de ces témoignages une telle évidence que ceux-ci commencèrent à balbutier et à se couper dans leurs réponses. Quelques prêtres qu’ils avaient appelés comme témoins à décharge se récusèrent alors, retenus par la honte de leur rôle ou par le cri de leur conscience. Les accusés avouèrent enfin. « Il est vrai, dirent-ils, que nous avons donné cet argent, mais nous nous croyions autorisés par la coutume, et notre seule prétention, en briguant l’épiscopat, était de nous faire exempter des fonctions de la curie et des charges que les magistratures imposent. — Maintenant, ajoutaient-ils, deux partis sont à prendre à notre égard : ou nous laisser sur nos siéges épiscopaux, si la chose est possible et honnête, ou nous faire rendre l’argent que nous avons dépensé pour les acquérir. Plusieurs d’entre nous non-seulement sont ruinés, mais ils ont livré jusqu’aux bijoux de leurs femmes et jusqu’aux meubles de leurs maisons : il est juste que tout cela leur rentre. » La question était ainsi posée avec netteté. Évidemment le synode ne pouvait pas annuler le jugement qu’il était venu rendre en légitimant les conséquences de la simonie dans la personne des accusés eux-mêmes. Il déposa donc sans hésitation les six évêques et subrogea à leur place six hommes que leur caractère de probité et de désintéressement semblait désigner dans la circonstance présente. Chrysostome, qui fit rendre les décrets de déposition et de subrogation, approuva d’ailleurs la demande des évêques déposés d’être réintégrés dans les dépenses qu’ils avaient faites. « Cela est juste, leur dit-il, mais cela ne nous regarde pas ; c’est à vous de poursuivre les héritiers d’Antonin en restitution, conformément au décret du synode. Poursuivez ces héritiers d’un évêque simoniaque, ce sera pour tout le monde une leçon salutaire ; autrement, si cette coutume s’invétérait, nous serions réduits à l’état des patriarches juifs et égyptiens, qui vendent et achètent tous les ans le sacerdoce, et nous aurions mérité cette malédiction du prophète Michée : « ses prêtres répondaient avec des présens, et ses prophètes annonçaient l’avenir pour de l’argent. » En manière de consolation, Chrysostome leur promit de solliciter pour eux de l’empereur une exemption des charges de la curie. Il fit décréter aussi par le synode que, bien que déposés, ils pourraient communier à l’intérieur du sanctuaire, comme ayant été revêtus de la dignité épiscopale.