Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L'ISTHME DE SUEZ
ET
LES TRAVAUX DU CANAL MARITIME

A peine la guerre de Crimée était-elle finie que l’attention de l’Europe fut de nouveau attirée du côté de l’Orient à la nouvelle d’une entreprise singulièrement hardie, mais d’un caractère tout pacifique cette fois. Un Français, un ami du vice-roi d’Égypte, avait obtenu de ce prince l’autorisation de percer à travers l’isthme de Suez un canal maritime destiné à ouvrir aux plus grands navires un passage de la Méditerranée à la Mer des Indes. L’exécution d’un pareil dessein, si elle était possible, devait bouleverser l’équilibre commercial du monde. Un silence dédaigneux accueille ordinairement les utopies ; un bruit d’heureux présage s’éleva autour du berceau du canal de Suez. La presse européenne s’empara de cette question, la discuta avec feu, et pourtant, sans nier la grandeur de la conception, fut généralement frappée des obstacles qui semblaient devoir la faire avorter. Les journaux anglais surtout accumulèrent les objections les plus graves et les plus décourageantes ; des ingénieurs éminens, par conviction ou par esprit de nationalité, émirent un avis conforme. A les entendre, ouvrir un immense chenal à travers 40 lieues de désert ne pouvait se faire qu’au prix de sacrifices hors de proportion avec le résultat de l’entreprise. L’égalité de niveau des deux mers était-elle absolument démontrée ? et, si par hasard elles n’étaient pas de niveau, la réunion des deux nappes d’eau n’allait-elle pas attirer sur l’Égypte un affreux cataclysme ? Nous n’insisterons pas sur les argumens très variés de cette