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France, pour l’autre sous le patronage de l’Autriche. — De paroles en paroles toujours fort modérées, M. de la Tour a pourtant fini par me dire : — L’intervention peut toujours se résoudre en une question de fait ; on intervient quand on le croit indispensable, qu’on est assez fort pour cela et qu’on en est requis. Mieux vaut une guerre qu’une révolution : l’une a des chances favorables, l’autre n’en a pas. — Nous avancions ainsi vers quelque chose de plus positif. — Mais, a continué M. de la Tour (j’extrais ces paroles significatives d’une conversation fort longue), Dieu nous préserve de toute intervention ! nous n’en avons pas, nous n’en aurons nul besoin ; selon moi, nous n’en avions pas besoin même en 1821. Nous avons une bonne armée, nous pouvons maintenir ou rétablir le bon ordre chez nous ; le roi ne veut pas d’intervention, elle lui déplairait beaucoup ; avant d’y avoir recours, nous ferions tous les efforts possibles, nous avons un jeune prince hardi et très décidé. — pour moi, je suis toujours resté sur le même texte, qui est revenu sous toutes les faces, et nous nous sommes quittés en excellentes relations, comme de coutume.

« De tout cela, combiné avec ce que j’ai entrevu d’ailleurs, je conclus que l’Autriche, même avant les troubles de Modène et de Bologne, qu’elle prévoyait et n’a pu empêcher, a encore une fois pressé la cour de Turin de prendre quelque engagement, qu’il lui a été répondu qu’on n’avait pas besoin d’elle et qu’il valait mieux se passer de son secours ; mais qu’à cette réponse on a joint la promesse plus ou moins formelle de ne faire aucune concession constitutionnelle ni populaire, et d’accepter l’intervention plutôt que de consentir à rien de pareil. Je pense que le prince de Carignan a pris pour son compte un pareil engagement….. Ceux qui connaissent beaucoup ce prince et qui lui sont attachés disent qu’il a montré, dans sa première jeunesse, un caractère généreux, un esprit assez élevé, une ardeur sincère pour le bien de son pays, mais que les circonstances malheureuses où il s’est trouvé lors des troubles de 1821, l’opinion, injuste selon lui, qu’on s’est formée de sa conduite, la situation où il est ici, en butte à la méfiance des uns sans être soutenu par la confiance, des autres, ses relations avec le roi et la cour, l’ont dégoûté de tout et de tous, ont flétri son âme et l’ont livré à l’humeur et à l’ennui dont il paraît accablé….. On assure que les événemens de France, le trouvant dans cette disposition chagrine, ont été jugés par lui avec amertume….. On ajoute même qu’il a dans cette occasion assuré le roi qu’il pouvait compter sur son dévouement, si jamais l’autorité royale était attaquée. Ainsi, soit dans cette pensée, soit que l’activité morale ait diminué en lui, il n’est nullement certain qu’à son avènement il accueillît