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théisme philosophique. Ceux-ci à leur tour classent les hommes en deux sectes seulement, les voltairiens et les athées. Les catholiques ne seraient alors que l’extrême droite des premiers. Les libres penseurs arriérés qui proposent d’élever une statue à Voltaire se doutaient-ils que pour des esprits, plus avancés ils risquaient de faire une capucinade ?

Sérieusement cette frivolité raisonneuse qui vient prêter appui à la logique de l’intolérance devrait songer qu’elle ne tend qu’à propager un scepticisme dont profiterait l’absolutisme, tant religieux que politique, celui qui ne veut pas de la liberté du croyant comme celui qui insulte à la liberté du citoyen. S’il n’y a rien de parfait et d’éternel, il n’y a point de droit, et s’il n’y a point de droit, le despotisme des césars est autorisé comme la tyrannie des inquisiteurs, tout est permis ; Hobbes et Joseph de Maistre se donnent la main. On n’affranchit pas les consciences en humiliant ainsi la raison. S’il est une proposition évidente en philosophie et sur laquelle soient d’accord Platon et Aristote, c’est qu’il n’y a de science que de l’universel ; or l’universel n’est pas vu de nos yeux ni touché de nos mains ; l’empirisme n’est donc pas la science, et du moment qu’on réduit l’une à l’autre, on travaille pour ceux qui croient la foi intéressée à l’anéantissement de la science. La révolution française serait encore à faire, si ceux qui l’ont entreprise, garrottés par l’expérience, réduits à l’observation des réalités positives, n’avaient pas cru la raison capable de réaliser ce qu’elle n’avait jamais vu ni touché et d’asservir les faits aux idées.

Il nous semble en effet que les hommes qui ont illustré la un du XVIIIe siècle avaient, en dépit de tous les, reproches adressés à la philosophie de leur époque, mieux compris que leurs représentans actuels la dignité de l’homme et sa destinée tout entière, car on aurait tort de croire que, pour n’avoir été prêchée que dans les livres, la religion qu’on appelle naturelle soit restée une pure déclamation philosophique, n’ait exercé aucune influence sur les esprits, ni pénétré dans certaines âmes, pour leur servir de soutien, et de consolation. Elle est souvent l’unique fonds de croyance de gens qui voudraient bien d’ailleurs se laisser supposer une foi plus déterminée et plus étendue. Le christianisme n’est pour quelques-uns qu’une forme extérieure, un témoignage visible d’un ou deux dogmes qu’il n’est pas seul à enseigner, il y a plus d’unitairiens qu’on ne croit. En ce genre, les nuances sont innombrables. Il est toujours assez difficile de saisir avec précision les idées religieuses des personnes même que l’on connaît. C’est un sujet sur lequel les entretiens libres et explicites sont rares. On les supprime ou du moins on les abrège autant que l’on peut, même avec des amis. Il ne servirait pas beaucoup, pour en apprendre davantage, de