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PROSPER RANDOCE



QUATRIÈME PARTIE[1].


XXI.

— Qu’avez-vous ? à quoi pensez-vous ? Ne peut-on savoir ce qui vous trotte par la tête ? Depuis quinze jours, je ne vous reconnais plus. Au diable vos distractions ! Vous n’êtes pas à ce qu’on vous dit ; vous avez le regard perdu dans l’espace ; on jurerait que vous conversez avec les esprits... Et tenez, je suis persuadé que vous n’avez pas entendu le premier mot de la petite histoire que je viens d’avoir l’honneur de vous conter.

C’est ainsi que M. Patru parlait un soir à Didier.

— Vous me calomniez, répliqua celui-ci. Faut-il que je vous répète mot pour mot le pathétique récit que vous venez de me faire ? Vous êtes allé voir Mme d’Azado, vous l’avez trouvée en larmes, vous l’avez questionnée ; elle vous a honoré de ses confidences. Sa mère lui avait fait une scène odieuse, l’avait accablée de ces injures gratuites que son imagination fournit sans compter à une femme en colère. Vous avez bien voulu m’apprendre que ce jour-là Mme d’Azado était vêtue d’une robe de soie noire relevée d’agrémens rouges... Permettez-moi de vous représenter que ces détails ne font rien à l’affaire, et que vous avez tort de prendre exemple sur les romanciers contemporains, qu’on accuse d’abuser de la description... Mon Dieu ! que prouve votre récit ? Que vous êtes le confident de Mme d’Azado et que je ne le suis pas. À chacun

  1. Voyez la Revue des 1er, 15 juillet et 1er août.