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technique de la peinture et de ne pas attacher un prix suffisant à la beauté de l’exécution. Quoi qu’on ait pu dire pour sa défense, je suis persuadé que ces deux reproches ne sont pas entièrement immérités.

Les fresques de Munich suffiraient largement à remplir toute une carrière de peintre, et quoique l’exécution n’en ait pas pris moins de vingt ans, on y admire la vigueur de la pensée et de la main qu’un travail si vaste n’a point lassées. Celles de la Glyptothèque comprennent la décoration de deux salles et d’un vestibule qui les réunit. Le peintre choisit ingénieusement un sujet en harmonie avec la destination de l’édifice, qui devait abriter les monumens de l’art grec dans lesquels éclate l’idée que le génie antique se faisait de l’univers et de l’existence humaine. Il voulut dans la première salle représenter la vivante activité de la nature, l’ordre sortant du chaos, sous la forme consacrée des mythes helléniques, c’est la salle des dieux ; dans la seconde, il se proposait d’offrir le tableau en raccourci de la vie humaine, des ressorts qui la meuvent et des catastrophes tragiques qui l’assombrissent, en empruntant les données de l’Iliade. Enfin le vestibule devait, sous la double image de Prométhée et d’Épiméthée, présenter aux regards l’image des deux natures éternellement en lutte dans l’homme, la nature intelligente avec son orgueil que suit le châtiment inévitable, la nature sensible avec ses égaremens et ses afflictions. Le développement de ces idées constituait un cycle immense de peintures, dont la première partie était achevée en 1826. Déjà, sûr d’arriver au terme, Cornélius acceptait une tâche nouvelle, celle de décorer de fresques et d’arabesques le plafond et les parois d’une galerie ouverte qui règne le long de l’étage supérieur de la Pinacothèque. Il entreprit de dérouler dans une suite de scènes historiques ou légendaires, mais toujours significatives, les principales époques et les figures immortelles de l’histoire de la peinture. Les dessins qu’il a composés (car il dut, par la volonté du roi, laisser à un autre l’exécution des cartons et des fresques) témoignent d’une imagination riche et d’une remarquable abondance d’idées quelquefois ingénieuses jusqu’à la subtilité.

Les salles mythologiques de la Glyptothèque portent un caractère profane dont l’orthodoxie farouche de beaucoup des amis de Cornélius, déjà trop enclins à le traiter en hérétique, dut s’étonner grandement ; on trouve dans le Moderne Vasari, de Schadow, son successeur à Dusseldorf, la trace de ces étonnemens. Il y avait de quoi en effet déconcerter ceux qui attachaient à la pureté d’un catholicisme ombrageux l’avenir de l’art, et pourtant Cornélius était à la veille de rentrer triomphalement dans le domaine religieux. Le