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en deux, courbés sans doute sous le fardeau des observances ; d’autres secouaient les pieds à chaque pas, probablement pour éloigner les insectes morts qui pouvaient se trouver dans la poussière. La plupart portaient au front et au bras gauche, près du cœur, des phylactères, c’est-à-dire des passages, des livres saints écrits sur parchemin et renfermés dans de petites boîtes. Cela signifiait que de cœur et de tête on était tout dévoué à la loi, mais aussi on croyait par là se préserver du mauvais sort et des démons impurs. Une forme de dévotion connue, quoique assez rare dans l’Ancien Testament, le naziréat, était devenue très commune. Le naziréen était un homme qui, par reconnaissance ou repentir, se vouait pendant un certain temps au service spécial de Jéhovah, et s’astreignait pour cela à certaines abstinences. Dans la période que nous étudions, les naziréens se multiplièrent, et même on vit surgir le naziréat à vie. La difficulté de conserver l’état de pureté légale en vivant au milieu d’hommes en majorité moins scrupuleux provoqua la formation de véritables sociétés d’assurance mutuelle contre la souillure, les haberim ou compagnons, s’engageant par serment à se soumettre à une discipline commune. C’est surtout sur le terrain politique et civil que le pharisaïsme se partagea. Le gros du parti persista à faire ce que nous appellerions de l’opposition quand même, maugréant contre le sadducéisme fréquent du haut clergé, contre les princes asmonéens et les Hérodes, surtout contre les Romains, profitant de chaque occasion pour couper court aux anomies et aux impiétés, toutefois assez raisonnable pour comprendre qu’une révolte serait insensée, et résigné à ronger son frein tant qu’il ne pourrait mieux faire ; mais il y eut deux extrêmes de la tendance pharisienne, l’un qui, au risque de s’exposer à plus d’une souillure, perdit patience, l’autre qui, redoutant avant tout la souillure, indifférent aux choses de la terre, laissa la société corrompue se tirer d’affaire comme elle pourrait, et se retira au désert pour vivre loin de toute macule.

Les premiers furent les zélotes (passionnés, kannaïm), qui, dans leur bigotisme et leur patriotisme également aveugles, créèrent une sorte de brigandage à prétention politico-religieuse, mais qui ne tarda pas, comme toute faction de zelanti qui court les grands chemins, à dégénérer en brigandage vulgaire. Tout à la fois redoutés et favorisés par le petit peuple, les zélotes avaient arboré le drapeau de la vieille théocratie républicaine en attendant les jours du messie. Leur espoir était que ces jours ne pouvaient tarder à venir, et que le meilleur moyen de les hâter était de constituer par les voies révolutionnaires un Israël « selon le cœur de Dieu. » Les glorieux souvenirs du temps des premiers Asmonéens enflammaient