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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/335

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les têtes. On ne se disait pas qu’il n’y avait aucune comparaison à faire entre la puissance militaire de la Syrie et celle de l’empire romain. Le plus grave de ces soulèvemens qui préludèrent à la grande insurrection de l’an 66 de notre ère fut celui de Judas le Galiléen, qui, l’an 6, recruta toute une armée de partisans dans la robuste population de la Galilée et donna fort à faire aux troupes, romaines. A la fin, il fut écrasé ; mais le ferment resta disséminé, suscitant à chaque instant de nouvelles prises d’armes.

Tout autre fut l’attitude préférée par les pacifiques esséniens, et en ce qui les concerne l’histoire religieuse doit savoir gré aux savans juifs contemporains d’avoir achevé de dissiper les ombres dont restaient entourées les origines de cette secte aux allures mystérieuses, qui a donné lieu à tant de suppositions arbitraires. Que n’a-t-on pas dit des esséniens ! On en a fait à tour de rôle des mazdéens, des bouddhistes, des néo-pythagoriciens, des alexandrins, des francs-maçons. On a voulu que Jean-Baptiste et Jésus lui-même fussent des esséniens, et que le christianisme ne fût autre chose qu’un essénisme dévoilé. Rien de tout cela n’est conforme aux faits. Ni le mazdéisme ni le bouddhisme n’eurent d’autorité en Palestine aux deux derniers siècles avant notre ère. Il ne peut y avoir de commun entre le pythagorisme et l’essénisme que les influences très générales qui, dans cette période et au sein de plusieurs religions, poussaient nombre d’esprits contemplatifs dans les voies ascétiques, et l’on sait que les formes de l’ascétisme se ressemblent beaucoup d’une religion à l’autre sans que cette ressemblance indique un rapport de filiation ou d’imitation réfléchie. Restent les thérapeutes d’Égypte, qui offrent beaucoup d’analogie avec les esséniens de Palestine ; mais MM. Grætz et Jost révoquent fortement en doute que ces thérapeutes aient jamais existé autre part que dans l’imagination d’un chrétien du IVe siècle, grand admirateur de la vie monastique, et qui se complut à en tracer une sorte d’idéal en inscrivant sur son livre le nom de Philon. Quoi qu’il en soit, il est tout à fait improbable que les Juifs pieux de Palestine, alors très pénétrés de leur supériorité religieuse sur les païens et sur leurs compatriotes vivant à l’étranger, se fussent laissé entraîner par l’attrait d’un exemple venu du dehors.

Du reste, à quoi bon toutes ces hypothèses ? Quand on étudie de près le pharisaïsme et sa monomanie de pureté légale, on arrive au bord même de l’essénisme, qui n’est pas autre chose qu’une association pharisienne, celle qui poussa le plus systématiquement jusqu’à l’incroyable les précautions dévotes et multiplia les moyens de purification. C’est pour rester pur que l’essénien se retire au désert, dans l’oasis d’Engaddi, près de la Mer-Morte, où de