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Les progressistes conspirant sans cesse avec leurs alliés de la démocratie, de l’autre les modérés tombant fatalement dans un absolutisme violent, — au milieu, une royauté menacée, ébranlée, décriée et devenue un dernier enjeu entre les partis. Dans ce qu’elle a de plus récent et de plus précis, cette histoire peut se résumer en un mot : c’est une tentative désespérée de réaction née d’une insurrection il y a un an et allant aboutir à une insurrection nouvelle il y a un mois, en présence d’un pays fatigué et inerte attendant la destinée qu’on lui fait ou qu’on lui prépare.


I

Les événemens vont vite au-delà des Pyrénées. Je ne sais si on se rappelle où en était l’Espagne il y a un an et demi. O’Donnell rentrait à peine au pouvoir, où le général Narvaez, aidé de M. Gonzalez Bravo, venait de passer neuf mois sans gloire et sans succès, n’osant être ni libéral ni absolutiste, mêlant les velléités de conciliation aux coups d’autorité. O’Donnell, à vrai dire, n’était pas dans une position aisée, rencontrant à chaque pas devant lui les modérés, qui le harcelaient d’une inimitié vindicative, et les progressistes, qui conspiraient, — ayant de plus sur les bras toutes ces complications de guerres lointaines et ruineuses avec les républiques américaines et les difficultés financières contre lesquelles tout ministère espagnol a depuis longtemps à se débattre. Certes le général O’Donnell, comme un autre, est un chef de parti à cheval et a le goût de la dictature ; il a aussi contre lui des antécédens d’insurgé comme presque tous les généraux espagnols ; mais il a du moins ce mérite de sentir que dans l’Espagne nouvelle, dans un pays qui durant sept années a versé des torrens de sang pour avoir une monarchie constitutionnelle, un certain degré de libéralisme est nécessaire. Les difficultés qui l’entouraient au moment où il remontait au pouvoir, il espérait les vaincre par un programme libéral, en reconnaissant l’Italie, en adoucissant le régime de la presse, en étendant le droit électoral, en s’appuyant enfin sur des chambres renouvelées.

Deux choses faisaient la force du général O’Donnell : l’énergique et froide résolution de son caractère, et justement ce libéralisme qui dans sa mesure répond aux instincts d’une grande partie de la bourgeoisie espagnole. Deux choses faisaient aussi sa faiblesse : d’abord il ne pouvait guère se dissimuler qu’il n’était pas un ministre agréable à la cour. Il se croyait nécessaire, il l’était sans doute, puisqu’on lui remettait le pouvoir ; il ne savait s’il le serait encore le lendemain, et s’il ne serait pas emporté par un de ces souffles de faveur qui ne se règlent pas précisément sur les votes