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a tant haussé, on commence à se tourner vers le mouton de boucherie, et c’est à l’Angleterre nécessairement qu’on le demande. L’introduction des races à laine fine n’a pas été une de ces innovations isolées qu’on ne rencontre que chez quelques amateurs. Grâce à la diffusion des lumières et à l’abondance des informations qu’un grand nombre de recueils à vulgarisées, une véritable transformation s’est opérée. Les 79 centièmes des moutons appartiennent aux races anoblies. Les races communes ne comptent plus que pour un cinquième, et on ne les trouve guère que dans les distincts où l’extrême pauvreté du sol ne convient qu’aux espèces les plus rustiques. La France, on ne doit pas se le dissimuler, présente sous ce rapport un pénible contrasté. Depuis 1829 jusqu’en 1852, le chiffre des moutons s’était constamment accru : il s’était élevé de 28,930,000 à 33,510,000. S’il eût suivi la même progression, en un siècle il eût été doublé ; mais à partir de 1852 se produit un fait désolant, le nombre des moutons diminue rapidement. En 1857, il ne monte plus qu’à 27,185,000, accusant ainsi une réduction de 6,325,000 têtes, soit en somme 1,745,000 de moins qu’en 1829[1]. De 1858 à 1864, la Prusse au contraire est passée de 15,362,196 à 19,314,667, soit une augmentation de 3,952,471. Ainsi d’un côté perte de 6 millions, de l’autre accroissement de 4 millions, différence relative 10 millions, — voilà comment se résume le bilan de la race ovine dans les deux pays pour la période qui commence en 1852. En France, il n’y avait lors des derniers recensemens que 100 moutons par 200 hectares et 133 habitans ; en Prusse, il y en avait le même nombre par 140 hectares et par 100 habitans.

La Prusse possède aussi plus de chevaux que la France relativement à son étendue et à sa population, car la statistique y constate la proportion d’une tête de cheval par 10 habitans et par 15 hectares, La France, ayant environ 3 millions de chevaux, n’en offre qu’un par 17 hectares et pour 12 habitans. Cette infériorité ne se fait guère sentir dans les travaux agricoles, qui sur une grande partie du pays s’exécutent au moyen de bœufs ; mais elle rend ordinairement impossible la remonte de la cavalerie et de l’artillerie par les ressources nationales, et c’est précisément à l’Allemagne que l’armée demande le contingent qui lui fait défaut. Pour la race

  1. Nous devons ces chiffres à l’obligeance de M. Léonce de Lavergne, qui les a empruntés aux statistiques officielles de 1857, qu’on n’a pas jugé utile de publier. La diminution du nombre des moutons est parfois le résultat d’un progrès de l’agriculture, quand on les remplace par des bêtes à cornes nourries à l’étable, comme cela a lieu en Belgique, où la race ovine décroît régulièrement ; mais en France la dépopulation a atteint les départemens du centre, c’est-à-dire précisément ceux qui se prêtent le mieux à l’entretien des bêtes à laine.