Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/675

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses suites. Il faut se préparer à tout événement… — Et cependant alors rien ne faisait prévoir… Quelle étonnante sûreté de pressentiment ! quelle inaltérable, quelle persistante foi dans ce dénoûment funeste ! Le désir de la mort y était sans doute pour quelque chose, mais encore…

Et comme si elle se fût sentie sur la vraie piste, Henrietta se mit à passer en revue les préparatifs, les menus soins par lesquels Mabel avait, comme en vue d’une fin inévitable, disposé, réglé toute chose autour d’elle, jusqu’à ce petit paquet renfermant quelques bijoux presque sans valeur que le docteur lui avait fait tenir le surlendemain des funérailles, et sur lequel étaient écrits ces mots : — Je désire que ceci soit offert à mistress Prendergast, — M. W.

Une hypothèse s’offrait bien comme explication, mais si étrange et si improbable quand il s’agissait d’une personne comme Mabel, si douce, d’un sens si droit, si peu sujette aux fantaisies, aux chimères… Non, décidément il fallait rejeter cette pensée absurde. Il n’en restait pas moins prouvé que Wilmot avait, depuis la mort de sa femme, découvert quelque chose, que cette découverte l’avait profondément troublé, qu’elle avait mis sa conscience à une rude épreuve,… — et mistress Prendergast, sans lui vouloir du mal, portée au contraire à le regarder, depuis certain événement, comme pouvant devenir fort digne d’intérêt dans un avenir vaguement pressenti, — mistress Prendergast n’en éprouvait pas moins une espèce de satisfaction en songeant que pour une cause ou l’autre il avait souffert, souffert assez pour demander des consolations à la solitude. Une fois séparé de ce monde où elle ne le voyait pas sans une secrète jalousie, il lui semblait plus à elle, ou du moins elle se promettait avec plus d’assurance de lui devenir quelque jour indispensable.

Ce n’étaient là pourtant que des réflexions, et lady Muriel agissait. Craignant surtout que l’innocente Madeleine, amenée à scruter le fond de son cœur, n’y découvrît enfin le vrai caractère des sentimens qu’elle éprouvait sans les bien connaître, elle avait mandé Ramsay Caird à Londres. Ce garçon un peu léger, spirituel par momens, toujours disposé à s’égayer, était devenu petit à petit la ressource des soirées que lady Muriel passait chez eue, invariablement en petit comité, par ménagement pour la santé de sa belle-fille. Peu ou point d’étrangers, nulle cérémonie, aucune distraction. Ramsay Caird, sous cette lumière habilement ménagée, passait à l’état de personnage. On l’attendait avec une certaine impatience, car il apportait les bruits du jour, l’écho du dehors, l’anecdote recueillie au cercle, les commérages de la grande ville. Arrivait-il un peu tard, — ceci n’était pas rare, — on le grondait amicalement ; semblait-il disposé à s’en aller de bonne heure, on le pressait de