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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/747

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a déjà au savoir et qui aime à l’accroître « pour faire les délices de son mari. » C’est aussi l’épouse telle que l’a parfaitement dépeinte l’auteur de l’Essai sur l’éducation des femmes. Sans y viser, Mme de Rémusat complète et confirme l’idéal de Plutarque avec la plus rare justesse et la plus fine pénétration. Pourquoi en effet la femme, dans le livre de Mme de Rémusat, est-elle capable non seulement de charmer son mari, mais de guider son talent, s’il en a ; et d’éclairer sa conscience, si elle se trouble ? C’est que, comme l’Eurydice de Plutarque, elle a été élevée de façon à devenir l’égale du chef de la famille, non en force physique et en autorité, mais en dignité morale et par des aptitudes sinon pareilles, au moins équivalentes.

Passe encore pour l’égalité, dira-t-on. Toutefois la supériorité évidente, incontestable de la femme n’est-elle pas un danger ? Notre médecin de l’âme a prévu la difficulté ; il s’est demandé si ce déplacement de forces n’entraînerait pas quelque grave maladie de la société domestique. Le cas est débattu dans-le dialogue sur l’amour par un conseil de philosophes venus à Thespies pour célébrer la fête d’Éros. Bacchon, adolescent encore imberbe, est épris d’une veuve belle, riche, spirituelle, mais plus âgée que lui, quoique jeune encore. De son côté, Isménodora désire ardemment épouser Bacchon malgré la différence d’âge. Cette union inégale est-elle possible ? Non, disent les uns, c’est le monde renversé ! — Qu’importe ? répondent d’autres ; l’amour est un faiseur de miracles, fiez-vous à lui. — Au plus chaud de la discussion arrive un courrier tout essoufflé et couvert de poussière. Qu’y a-t-il donc ? Il y a que Isménodora a fait enlever Bacchon par ses amis ; que chez elle on a mis au jeune homme la robe nuptiale et qu’à l’instant on les marie. À cette nouvelle, grande émotion parmi les docteurs ; ils s’agitent, ils crient au scandale. Peu à peu cependant ils se calment, se ravisent ; bref ils se lèvent et vont assister à la cérémonie et à la noce : dénouement imprévu et piquant dont la signification morale est facile à comprendre. Lorsque entre deux âmes saines la passion est grande et profonde, la supériorité de la femme n’a rien de dangereux et peut devenir une cause puissante de bonheur, pourvu que cette supériorité, loin de s’imposer avec orgueil, ne s’emploie qu’à effacer les distances et à rétablir l’équilibre. C’est la donnée de Mauprat. Le beau roman de George Sand est la démonstration, involontaire sans doute et d’autant plus concluante, d’une des plus délicates pensées de Plutarque. Ainsi, sur l’amour dans le mariage et sur l’influence de la femme dans la famille, Plutarque atteint et quelquefois dépasse, sans s’égarer, les modernes les plus hardis. Au surplus, la médecine morale de Plutarque, appliquée à la régénération