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avantages de la naissance et de l’éducation. Ce n’est pas tout encore que d’être élu, il faut vivre et comme membre du parlement supporter durant la session des frais assez considérables. A moins que les trades’ unions ne se cotisent pour faire à chacun de leurs candidats une somme de 5 à 600 livres sterling par an, ou que la chambre des communes n’alloue plus tard à ses membres une indemnité, le nombre des ouvriers anglais siégeant au parlement sera beaucoup trop restreint pour exercer une grande influence sur la direction des affaires. A part quelques questions de travail sur lesquelles ils pourraient fournir des lumières spéciales, les députés artisans ne feraient d’ailleurs que suivre et appuyer en politique le système des hommes de la classe moyenne dans lesquels ils ont placé leur confiance, MM. Gladstone, Bright et Stuart Mill.

Une occasion toute naturelle se présentait pour les ouvriers anglais d’expliquer leurs intentions et de signaler les fruits qu’ils entendent recueillir de leur victoire. Une fête et un banquet ont eu lieu le 30 septembre au Palais de Cristal pour célébrer le reform act de 1867. Par malheur, cette démonstration n’a point tout à fait répondu à ce qu’on pouvait en attendre. Les démocrates sont encore bien loin d’avoir dérobé à leurs adversaires cet admirable esprit de discipline qui distingue le parti tory. La première idée d’un grand banquet libéral réunissant autour de la même table certains membres de la chambre des communes, les chefs du mouvement populaire, plusieurs milliers de personnes, avait été conçue par la reform league, qui comptait sur l’alliance et le concours des deux autres associations politiques. Il n’en fut rien, et M. George Potter, prenant en quelque sorte l’avance sur M. Beales, voulut frapper de son cachet le succès de la journée. Le résultat était dès lors facile à prévoir : une seule branche de l’organisation réformiste, celle de la working men’s association, prit une part active dans les arrangerons de la fête et fit presque tous les frais du rassemblement. Il est dans les mœurs de nos voisins de mêler les plaisirs et les divertissemens à la politique. Aussi les exercices athlétiques et divers genres d’amusemens occupèrent-ils durant l’après-midi la naïve curiosité des spectateurs, qu’à leurs manières on reconnaissait aisément pour des ouvriers de Londres. Les mêmes instrumens de cuivre qui avaient sonné la marche dans les processions réformistes exécutaient des airs de danse et de polka. Les mêmes bannières qui avaient guidé les confréries ouvrières dans les rues de la capitale se déployaient au vent avec un air d’orgueil, mais sans avoir été trouées ni déchirées par aucune bataille. Les écharpes, les rosettes, les uniformes, qu’on avait vus défiler à certains jours sur un autre terrain annonçaient assez la force d’une organisation