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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/979

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éloigner leurs naïfs compatriotes de Vienne, cette Babylone ouverte désormais aux principes révolutionnaires. Quant au clergé, si puissant encore sur les masses populaires, il crut sincèrement combattre le rationalisme allemand en prêchant une croisade contre l’élément germanique. Il n’y eut pas jusqu’aux érudits ou se disant tels qui, armés de textes plus ou moins authentiques, ne se fissent un devoir d’entretenir l’agitation. Les Allemands de leur côté étaient naturellement partisans du système d’un état central capable de leur assurer protection contre l’ostracisme dont on voulait les frapper. On eût été fort embarrassé de trouver dans cette diète de Prague, comme on les trouvait à Pesth, les élémens d’une administration indépendante et d’un ministère spécial pour le pays qui l’avait élue.

Dans un pareil état des esprits en Bohême, toute concession était une imprudence. Cependant le comte de Belcredi, dont le ministère a été si funeste à l’Autriche, crut habile de flatter les Tchèques pour les opposer aux Allemands, « qui s’égaraient, disait-on, dans un parlementarisme ridicule. » Des paroles propres à exalter les espérances slaves furent insérées dans la patente du 20 septembre 1865, qui suspendait la constitution centraliste du 26 février 1861. On ménagea la presse de Prague, à laquelle M. de Schmerling avait toujours tenu rigueur, et un jour l’empereur, répondant à une adresse, parla de se faire couronner roi de Bohême. En effet, peu de mois après, on alla chercher à Prague la fameuse couronne de saint Wenceslas ; mais ce fut pour la soustraire aux Prussiens, et lorsqu’elle y fut rapportée il y a un mois, il n’était plus question de renouveler à Prague ce qui venait de se passer à Pesth. Après la guerre, voyant l’hésitation de l’empereur François-Joseph à remettre en vigueur la constitution centraliste de février, les Tchèques avaient encore espéré.que leur diète, unie à celle de Moravie, serait seule appelée à vider la question de leurs rapports avec le cabinet viennois, lorsque M. de Beust fut nommé ministre d’état. A peu de temps de là, les élections avaient lieu pour la diète de Prague ni plus ni moins que pour les autres diètes de l’empire, en vertu, de la loi électorale octroyée qui avait servi pour les élections précédentes, et on s’adressait aux députés uniquement pour les inviter à nommer leurs mandataires au reichsrath. Le débat fut d’une incroyable violence. Tous les orateurs tchèques y prirent part, et M. Rieger, le plus éloquent d’entre eux, y exposa très complètement les vues de son parti sur la situation faite à l’état autrichien par les traités de Nicholsbourg et de Prague, ainsi que sur cette autre question qui les résume toutes pour l’Autriche, la question des nationalités. « Notre défaite à Sadowa, dit-il, a fait l’unité allemande. Peu