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réformer ce qui, Dieu merci, est de soi à l’abri des réformes. Dût le succès couronner en apparence leurs efforts, dût l’opinion achevée de s’en rendre complice, il n’y aurait là, nous l’espérons bien, qu’un accident sans conséquence, une méprise moins durable après tout que le bon sens, et dont le premier grand maître qui surgira fera justice du jour au lendemain.

A côté des fausses doctrines qui tendraient à discréditer la peinture telle que l’ont comprise et pratiquée dans notre pays tant de nobles maîtres, depuis Poussin jusqu’à Ingres, depuis Lesueur jusqu’à Flandrin, des préventions tout aussi injustes et plus générales encore semblent menacer la vie de la gravure. Qu’y a-t-il donc en réalité de défectueux ou d’insuffisant dans cet art qu’on voudrait reléguer parmi les procédés surannés ? En quoi les travaux non-seulement de M. Henriquel, mais de bon nombre de ses élèves en France et de ses confrères à l’étranger, justifient-ils l’inévitable oraison funèbre dont tout le monde, y compris la critique, pour suit aujourd’hui la gravure et les graveurs ? — Une estampe, dira-t-on, n’étant qu’une œuvre de seconde main, une copie dont tout le mérite consiste dans la fidélité matérielle, on a bien le droit de lui préférer un mode de reproduction plus fidèle encore. L’exactitude absolue de la photographie ne laisse aux renseignemens fournis par le burin qu’une authenticité suspecte, et dès lors le procédé infaillible doit naturellement supprimer celui qui ne l’est pas : double erreur que plus d’une fois déjà nous avons eu l’occasion de relever dans la Revue.

Non, la seule fin de la gravure n’est pas l’effigie extérieure de l’œuvre d’autrui ; non, il ne s’agit pas uniquement pour le graveur de transcrire avec une rigueur mathématique des lignes et des détails de modelé. Sa tâche est bien plutôt celle d’un interprète que d’un copiste. Le texte qu’il reproduit, il l’explique, et cette part d’invention personnelle ou tout au moins de critique donne à l’image une valeur particulière, comme au modèle lui-même un surcroît d’autorité. La photographie au contraire, qui n’interprète rien, qui ne sait rien contrôler ni rien choisir, la photographie n’arrive à nous livrer qu’un simulacre inerte, une ressemblance à la fois excessive et incomplète, puisqu’en remettant impitoyablement en lumière jusqu’aux moindres avaries, elle n’a et ne peut avoir pour les vérités intimes ni des prédilections plus vives, ni un zèle plus intelligent. Que deviendrait sur la plaque du daguerréotype la Joconde de Léonard ou cette autre merveille de la peinture, ce Mariage de sainte Catherine par Corrège, dont le burin de M. Henriquel a si bien rajeuni récemment la grâce et l’harmonie exquises ?

La fidélité photographique n’a de prix que comme moyen d’information matérielle. Qu’on en fasse grand cas à ce titre, qu’on