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habitans de la Grande-Bretagne au profit de colonies qui pourraient un jour solder leur dette par une déclaration d’indépendance. Elle pense avoir fait tout ce que les colonies ont le droit de lui demander quand elle leur laisse la liberté de régler à leur gré leurs impôts et leurs dépenses, et prend à sa charge toutes les dépenses qu’elle appelle « impériales, » c’est-à-dire l’entretien des forces militaires et maritimes. Les États-Unis étendent plus loin leur sollicitude envers les territoires nouveaux. Le gouvernement central fait des routes/construit des établissemens publics, des écoles, des bibliothèques, des maisons d’aliénés, et rentre dans ses déboursés par la vente des terres mises en valeur. Que l’Angleterre soit partout ailleurs la plus habile des puissances colonisatrices, sur le continent de l’Amérique elle est la puissance européenne en face de la puissance américaine, la puissance qui se défie de l’avenir en face de la puissance qui se fie à l’avenir. Sous le rapport géographique, la situation de l’Angleterre est également inférieure à celle des États-Unis. Ses possessions commencent au 49e degré de latitude ; au-dessus du 49e degré, le nord ne saurait lutter contre le. sud. Aussi une singulière langueur s’est-elle emparée du gouvernement anglais à l’endroit de ses possessions américaines. A l’audace des États-Unis il oppose 1 ? inertie, et aux sollicitations des colons il répond par de vaines théories et de vagues expressions de bienveillance. M. Bulwer écrit le 30 décembre 1858 au gouvernement de la Colombie anglaise : « C’est par elles-mêmes et par l’esprit de sacrifice que les communautés humaines s’élèvent à une grandeur permanente. Stimulez l’amour-propre des colons, afin qu’ils acceptent les privations nécessaires et se soumettent à de larges contributions plutôt que de compter sur des avances qui ne sont jamais remboursées sans exciter des mécontentemens, ou annulées sans dommage pour la considération et l’honneur. Lorsque le temps arrivera de donner à cette colonie des institutions représentatives, il faut qu’elle ne soit embarrassée par aucune dette, et que les colons aient prouvé leur capacité à se gouverner eux-mêmes par l’esprit d’indépendance qui repousse l’aide étrangère… » Le 4 juin 1862, le duc de Newcastle, successeur de M. Bulwer au ministère des colonies, disait à la chambre des lords : « Il n’est peut-être pas impossible d’établir une voie de communication entre le Canada et la Colombie anglaise ; mais il semble convenable que cette colonie fasse la dépense sur son territoire, et que de son côté le Canada consente à prolonger la route au-delà du sien. » Le même jour, le duc de Newcastle disait encore à la chambre des lords que la Compagnie de la baie d’Hudson, si on lui enlevait le Saskatchewan, renoncerait à tous ses droits, et demanderait une indemnité de 37,500,000 francs. Suivant lui, on ne peut faire une