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à la charge, se disant assuré de la très prochaine arrivée du roi, qui prendrait certainement pour une injure une persistance de nature à changer la résolution la plus arrêtée. Vaincus par l’insistance de M. de Brissac, les états finissent par autoriser leur trésorier à traiter avec le sieur Zamet pour 150,000 écus, dont ce banquier fera l’avance sous promesse que cet emprunt sera couvert par eux à leur session prochaine.

Si Henri IV tarda trop à désarmer une insurrection qui n’avait plus de racines, c’est que ce prince tenait le duc de Mercœur pour bien plus puissant qu’il ne l’était en effet, et s’il se résolut tout à-coup, dans les premiers mois de 1698, à pénétrer en Bretagne, il y fut probablement amené par la délibération des états, qui lui fit de ce voyage un devoir impérieux. Convoitée par les Espagnols, ravagée par les bandits, épuisée par la famine, la Bretagne n’avait en 1598 ni la volonté ni le pouvoir d’opposer aucun obstacle à un roi victorieux réconcilié avec l’église. Ce fut très gratuitement que le roi paya à Emmanuel de Lorraine, pour prix d’une soumission que celui-ci ne pouvait plus refuser, 4,295,000 livres qui feraient environ 14 millions de notre monnaie. Dans l’état d’abandon où se trouvaient alors M. et Mme de Mercœur, Henri IV aurait pu couvrir à moins de frais le premier scandale éclatant que sa maison ait donné à la France. Quoi qu’il en soit, un bâtard de quatre ans devint l’époux d’une princesse de six, issue des plus grandes races de l’Europe ; cet enfant, légitimé, créé duc de Vendôme, pair de France et gouverneur de Bretagne, entra solennellement à Nantes sur les genoux de Gabrielle d’Estrées, duchesse de Beaufort, sa mère, et celle-ci reçut les mêmes honneurs que ceux qui avaient été rendus à Madame, sœur de Henri IV.

Le roi, devenu maître de Nantes à prix d’argent, ne s’y montra pas d’humeur joyeuse. Il y pénétra entouré de ses hommes d’armes et presque en conquérant. Henri refusa la pompe de l’entrée royale, en retenant toutefois pour payer son armée les 23,000 écus d’or votés par la municipalité afin d’en acquitter les frais. A peine installé dans le château des ducs de Bretagne, ce prince renouvela le personnel de la mairie et de la garde civique, sans tenir aucun compte des privilèges attribués à la ville de Nantes par les lettres patentes de Henri II. Il confia la mairie à Charles Harrouis de l’Épinay, qui l’occupait en 1589, et auquel sa fidélité avait valu un long et cruel emprisonnement. La situation politique justifiait une telle mesure ; mais nous verrons bientôt que ce prince ne devait pas s’arrêter là. Henri IV donna le gouvernement de la ville et du comté de Nantes au duc de Rohan-Montbazon, et laissa dans cette ville Gabrielle d’Estrées, qui y donna le jour au chevalier de Vendôme. M. de Montbazon reçut pour instruction de consulter la