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définitive la majorité de la nation, appelât de tous ses vœux le veto que le président avait promis de mettre sur les tarifs comme sur toutes les lois du congrès.

Tels étaient à ce moment les griefs principaux qui commençaient à endommager la popularité ancienne du vieux parti radical. Le président, comme c’était son rôle, ne manquait pas d’en profiter en flattant la faction contraire. Quelques républicains influens, fatigués de toutes ces folies ou blessés peut-être secrètement des allures impérieuses qu’affectaient les chefs de leur parti, passaient déjà pour fréquenter les abords de la Maison-Blanche. Enfin tout indiquait l’approche de cette réaction prévue qui suit toujours dans un pays libre le triomphe des partis extrêmes.


III

Les radicaux virent le danger. Renonçant d’eux-mêmes à la plus importante comme à la plus impopulaire de leurs démarches, ils firent à l’opinion publique le sacrifice de leurs mauvais desseins contre le président. Le comité judiciaire de la chambre conclut à la suspension de la procédure. Tout en abandonnant leur projet favori, ils en recueillirent la menue monnaie par quelques tracasseries et quelques vexations administratives qui devaient beaucoup gêner leur adversaire. Ils lui interdirent, entre autres choses, de nommer ou destituer aucun fonctionnaire, pas même ses ministres, sans l’autorisation du sénat ; puis ils songèrent à combiner une loi nouvelle pour remplacer l’amendement constitutionnel expirant, auquel le vote du Delaware allait porter le coup mortel.

M. Thaddeus Stevens imagina d’abord un plan de réorganisation générale d’une application épineuse, mais d’une extrême simplicité. Il consistait à faire nommer partout des assemblées constituantes par le peuple entier sans distinction, tout en laissant les gouvernemens en exercice remplir provisoirement leurs fonctions locales. Ce projet n’était qu’une utopie, comme n’eut pas de peine à le prouver M. Ashley, de l’Ohio, qui vint soutenir un autre plan de sa façon. Les deux projets échouèrent également. M. Stevens ne se tint pas pour battu. Le 8 février, il se représenta devant la chambre au nom du comité de reconstruction, qu’il présidait encore, et muni d’un projet nouveau. Il demandait cette fois le traitement pur et simple des états du sud en pays conquis. Il voulait qu’on les divisât en cinq gouvernemens militaires, commandés par des brigadiers-généraux qui réuniraient tous les pouvoirs, évoqueraient toutes les causes devant des tribunaux militaires, accorderaient ou retiendraient à leur gré le privilège de l’habeas corpus, et seraient nommés sans contrôle par le lieutenant-général Grant.