Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/605

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étonnée d’être ainsi mise dans la confidence des dissentimens survenus entre la papauté et l’empire, dissentimens dont on était bien loin de soupçonner alors la gravité, écrivez à Rome que je suis résolu à empêcher les Anglais de faire une diversion et de couper la communication entre mes troupes du royaume d’Italie et celles qui sont dans le royaume de Naples. Écrivez que je demande à sa sainteté une déclaration sans ambiguïté et sans réserve, portant que pendant la présente guerre, et toute autre guerre à venir, tous les ports des états pontificaux seront fermés à tous bâtimens anglais, soit de guerre, soit de commerce. Écrivez cela au pape, écrivez-le tout de suite, parce que, si dans le délai le plus court je ne reçois pas la déclaration conçue dans les termes que je demande, je ferai occuper tout le reste de l’état pontifical ; je ferai apposer les aigles sur les portes de chacune de ses villes, de chacun de ses domaines, et je partagerai la totalité des provinces possédées par le pape, comme j’ai fait pour Bénévent et Ponte-Corvo, en autant de duchés et de principautés que je conférerai à qui me plaira[1]… Si le pape persiste dans son refus, j’établirai un sénat à Rome, et quand une fois Rome et l’état pontifical seront dans mes mains, ils n’en sortiront jamais plus. Écrivez bien tout cela, ne cachez rien ; je verrai bien par la réponse du pape si vous avez tout dit[2]. » De nouveau Caprara essaya de présenter quelques timides observations ; mais l’empereur, toujours plus excité, ne les écouta point. « Mon parti est pris. Vous savez que je ne change pas, et que je fais ce que je dis. Si le pape fait dans les termes que j’ai prescrits la déclaration relative aux Anglais, je lui garantirai ses états, et j’obtiendrai qu’il ne soit pas molesté par les Barbaresques. Quoi que vous veuillez me dire, vous, et tout ce qui me sera répété de Rome est inutile, car, ainsi que je vous l’ai dit, mon parti est pris. Je ne peux ni ne dois m’en départir. Qu’on en finisse promptement, et qu’on m’envoie le plus tôt possible la réponse qui fixera le sort de Rome[3]. »

La sortie véhémente de l’empereur n’avait pas duré moins d’une heure. On peut juger de l’effet qu’elle avait produit sur l’infortuné Caprara, et, si l’on se souvient des dispositions ordinaires du représentant du saint-siège à Paris, on ne sera point étonné qu’il ait terminé sa dépêche en suppliant Pie VII de vouloir bien réfléchir que, s’il se refusait à ce qui lui était demandé, l’occupation et la division de l’état pontifical en principautés auraient lieu immanquablement. « Chacun peut en prévoir d’ici les conséquences,

  1. Dépêche du cardinal Caprara, 3 juillet 1806.
  2. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 31.
  3. Dépêche du cardinal Caprara, 3 juillet 1806.