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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/696

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devait bientôt se substituer à la toute-puissance du canon dans les combats sur l’océan.

En même temps qu’on utilisait ainsi l’ancien matériel des flottes, de nouveaux vaisseaux à grande vitesse furent mis en construction, et ils donnèrent des résultats bien supérieurs à ceux que l’on pouvait obtenir de la transformation de la marine à voiles. A un demi-siècle d’intervalle, la France put croire pendant quelques années que, comme au temps de Sané, elle avait su la première produire le véritable type du nouveau, navire de combat. Le vaisseau le Napoléon, construit par M. Dupuy de Lôme, joignait aux qualités des anciens navires la puissance que donne la vapeur. Sa mâture le mettait à même d’entreprendre les traversées les plus lointaines, les croisières les plus longues et les plus difficiles ; un front d’artillerie semblable à ceux de nos anciens vaisseaux le rendait d’autant plus redoutable que son agilité d’évolutions était plus grande. Avec ce nouveau type du vaisseau de ligne, l’architecture navale parut avoir recouvré son antique splendeur. Le vaisseau mixte en effet ramena les belles proportions des anciennes mâtures, et le remplacement des roues par un propulseur sous-marin rendit aux flancs des navires l’élégance des contours.

Triomphe éphémère ! au moment où la vapeur introduisait de si considérables changemens dans les armées navales, l’artillerie, qui avait joué jusqu’alors le principal rôle dans les combats sur mer, réalisait d’immenses progrès : les obusiers de gros calibre prenaient place dans l’armement des flottes, et menaçaient de brûler et de détruire en quelques coups ces vaisseaux qui faisaient notre orgueil. — Quel abri pouvaient offrir ces murailles de bois contre les énormes projectiles incendiaires lancés par les nouveaux canons ? Dès le commencement de la lutte, elles seraient devenues la proie des flammes, et les combats sur mer, avec les nouveaux engins, ne paraissaient plus devoir être pour nos équipages qu’une stérile condamnation à mort. C’est pour renverser cette supériorité manifeste de l’attaque sur la défense qu’apparurent à cette époque les premiers navires à murailles bardées de fer. Construites sous l’inspiration de l’empereur, les batteries flottantes réalisèrent dans la Baltique et la Mer-Noire tout ce qu’on en avait espéré, et le succès fut tel qu’il fallut bientôt admettre la nécessité du blindage pour tous les navires de combat. C’est ainsi que l’apparition des cuirasses vint bouleverser les idées des ingénieurs plus encore que ne l’avait fait la vapeur ; le problème de la construction des vaisseaux, résolu deux fois victorieusement par la France depuis le commencement du siècle, se posait à nouveau, et il présentait cette fois des difficultés inconnues.