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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/714

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Construire des béliers de dimensions bien inférieures à celles de nos bâtimens actuels serait un desideratum assez difficile à réaliser dans la pratique, car, en leur donnant une masse tout juste suffisante pour assurer en toute circonstance le rôle de leur éperon, on ne pourrait peut-être pas satisfaire aux exigences bien nombreuses et bien diverses qui leur sont imposées d’ailleurs. Répondre dans de justes proportions à ces divers besoins en les harmonisant avec le nouveau mode de combat et en réalisant sur l’ensemble de notables économies de poids, tel est le but que doit poursuivre le talent des constructeurs pour réduire le plus possible les dimensions de nos bâtimens, et pour mettre en pratique l’important avantage des deux hélices indépendantes. L’artillerie ayant cessé d’être le principal instrument des combats, c’est surtout sur le matériel des bouches à feu, et par suite sur le personnel destiné à les servir, qu’il sera possible de réaliser quelques économies véritables.

Les premiers bâtimens cuirassés que nous avons construits étaient comme nos anciens vaisseaux percés de sabords dans toute leur longueur, et la vieille artillerie qu’ils portaient en batterie couverte était partout à l’abri du blindage. Aujourd’hui nous sommes déjà bien loin de ce programme. Les plus lourds canons de l’ancienne marine ne pesaient que 4 ou 5 tonneaux, tandis que nos canons de 24 actuels, qui doivent former la base de l’armement de nos futurs cuirassés, pèsent 21 tonneaux, affût compris. Cette augmentation considérable de poids réduit de beaucoup le nombre des bouches à feu qu’il reste possible d’embarquer. D’un autre côté, l’industrie, en nous fournissant des plaques de plus en plus épaisses pour résister à la puissance de la nouvelle artillerie, force à diminuer l’étendue des parties blindées de nos navires, afin de ne pas augmenter démesurément le poids des cuirasses qu’il faut leur faire porter. C’est pour ces deux raisons que nous avons construit des vaisseaux qui ne sont blindés dans toute leur longueur qu’à la flottaison ; le petit nombre de canons qu’ils portent en batterie couverte sont groupés dans la partie moyenne nommée fort central, et c’est seulement dans cette partie que la cuirasse s’élève pour protéger les canonnière qui doivent servir les pièces ; les extrémités avant et arrière du navire sont en tôle, et les aménagemens qu’elles contiennent renferment le moins de bois possible, pour que le navire ne soit pas exposé à suivre le malheureux sort du Palestro, qui fut incendié au combat de Lissa. Ainsi l’épaisseur croissante des cuirasses et les nouveaux calibres ont réduit la longueur, des batteries couvertes : aujourd’hui l’usage de l’éperon tend presque à les faire disparaître, parce que cette disposition des bouches à feu n’est plus en harmonie avec le nouveau mode de combat.