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quelques mois dans une note officielle, et aujourd’hui hautement avouée dans l’exposé des affaires de l’empire. Pour l’instant, ce n’était pas moins une satisfaction ou une apparence de satisfaction donnée à l’Italie, et cela prouve ce que je disais, que rien ne semblait compromis. La France continuait à signaler au gouvernement de Florence toutes les menées dirigées contre les états du pape ; M. Rattazzi continuait à protester qu’il voulait faire respecter la convention du 15 septembre, que toutes les mesures étaient prises, qu’une armée était aux frontières, prête à empêcher toute invasion, lorsque la question changeait tout à coup de face au mois de septembre. C’était le moment où Garibaldi, échappant à ses amis et ayant déjà poussé ses premières bandes sur le territoire pontifical, se décidait à aller lui-même prendre le commandement de la nouvelle expédition contre Rome.

M. Rattazzi commençait à se trouver dans une situation difficile au milieu de toutes les complications qu’il amassait autour de lui depuis trois mois, en présence d’une agitation populaire que son attitude énigmatique encourageait. Qu’allait-il faire ? Il n’y avait plus à hésiter à se réfugier dans des protestations platoniques de fidélité à la convention du 15 septembre, puisque l’invasion était de jour en jour plus flagrante. M. Rattazzi se décida pour l’arrestation de Garibaldi, qui déjà était à Asinalunga, assez près de la frontière pontificale, et, par un de ces jeux singuliers du hasard qui mêlent toujours un peu de comédie aux drames italiens, le préfet chargé de faire arrêter le chef qui partait en guerre contre le pape, ce préfet s’appelait Papa ! C’était après tout un très embarrassant prisonnier, que M. Rattazzi garda aussi peu que possible dans la citadelle d’Alexandrie et qu’il se hâta d’envoyer à Caprera, où il le fit garder par quelques navires, pensant ainsi tout concilier. M. Rattazzi avait fait un calcul ; il s’était dit que, puisque ses alliés de la gauche s’étaient employés autant qu’ils l’avaient pu pour retenir Garibaldi, ils n’en voudraient pas trop au ministère de l’arrêter plus efficacement. Sa méprise fut complète. Garibaldi était à peine arrêté, que les membres de la gauche protestaient publiquement contre cette mesure, réclamaient la convocation du parlement et se mettaient en rupture ouverte avec le ministère. S’il n’y avait pas un moment dans ces crises où tous les partis perdent le sang-froid et où la confusion devient complète, M. Rattazzi, en s’aliénant la gauche, aurait pu retrouver l’appui des modérés, et il l’espéra peut-être un instant. Pas du tout, les modérés, soit par entraînement, soit par antipathie contre le chef du ministère, se mettaient eux-mêmes à demander qu’on marchât en avant, qu’on tranchât la question par une occupation régulière de Rome, de sorte que M. Rattazzi se