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d’état consentît à leur donner des juges. Un intérêt élémentaire de propriété n’a pu trouver de protection dans la loi et a été laissé en présence de l’arbitraire ministériel couvert de la raison d’état. M. Casimir Perier a loyalement et fortement déduit les conséquences générales de cette impuissance de la justice révélée par un fait si éclatant. Il a trouvé de dignes expressions pour définir les actes d’administration et les actes de gouvernement sur la confusion desquels cherche à s’établir l’omnipotence ministérielle. Le gouvernement de M. Perier avec une pleine autorité, c’est l’ensemble des pouvoirs publics ; un acte de gouvernement, c’est l’acte constitutionnel légal, et par conséquent régulier, accompli en vertu de la constitution et des lois par le pouvoir exécutif. Un acte d’administration au contraire est le fait d’un ministre ou d’un agent placé sous ses ordres, agissant en vertu d’une délégation générale ou d’instructions spéciales. Dans les pays libres, les actes de gouvernement ne peuvent pas avoir d’autres juges que les pouvoirs publics dans les formes réglées par la constitution et par les lois. S’ils en ont d’autres, c’est l’anarchie ; s’ils n’ont pas ceux-là, c’est le despotisme. Les actes d’administration ne peuvent prétendre aux mêmes privilèges. C’est beaucoup que de ne pouvoir poursuivre les fonctionnaires sans l’autorisation du conseil d’état et souvent de ne pas obtenir cette autorisation lorsque le délit est manifestement étranger aux fonctions et rentre de la manière la plus évidente dans les faits de la vie privée. Il deviendrait intolérable de ne pouvoir obtenir justice de la plus flagrante violation des lois, sous prétexte de politique, ce qui rendrait un commissaire de police ou un garde champêtre plus inviolable que ne l’est un ministre dans les pays libres. Cette éclipse de justice résultant de la confusion des actes de gouvernement et des actes d’administration devrait être, suivant M. Casimir Perier, un avertissement pour le pays. « La nation, dit-il, qui souffre des fautes commises et qui les expie chèrement, doit apprendre à se former une opinion sur ce qui la touche le plus. C’est là ce qu’il faut lui enseigner. Elle commence à comprendre combien il lui importe de choisir elle-même ses élus, et, quand elle le voudra, malgré tous les obstacles, elle le fera. Là est le salut de la France. » L’éducation du pays se ferait vite, si M. Casimir Perier avait d’honnêtes et courageux imitateurs dans la classe d’hommes dont il est un des représentans les plus notables et les plus utiles.

Dans un ordre de choses qui agite à notre époque des intérêts plus nombreux et plus actifs que les questions de droit et de liberté, dans le gouvernement financier du pays, il faut espérer que la chambre et le pouvoir s’efforceront de s’éclairer et de prendre enfin des résolutions conformes à la modération et à la prudence. Les finances sont une des parties du gouvernement où se font le plus sentir les entraînemens et les fautes du pouvoir personnel. L’économie est une des plus importantes