Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/849

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cardinal Mazarin durant son administration, et que M. Colbert aspirait alors à renforcer par un personnel vigoureux[1].

Un écrivain dont les travaux ont concouru à éclairer les côtés les moins connus de ce règne ne pouvait omettre les émeutes provoquées dans la plupart des provinces du royaume par les disettes fréquentes et les impitoyables exigences du fisc. M. Pierre Clément a tracé une sorte de tableau synoptique de ces insurrections si bien étranglées par la corde que l’histoire en a perdu jusqu’à la trace. Il a retrouvé cette trace douloureuse dans le Boulonnais, dans le. Quercy, en Périgord, en Normandie, en Languedoc, partout enfin où s’exerça cette domination d’autant plus inflexible qu’elle avait la croyance et jusqu’au fanatisme de son droit[2]. Grâce à ces récens travaux, grâce surtout à la correspondance administrative dépouillée par M. Depping, le public a connu la gravité de cette insurrection de Guienne qui mit au pouvoir du peuple l’une des plus grandes villes du royaume, et fut assez forte pour contraindre le parlement de Bordeaux à amnistier la révolte. La popularité acquise aux lettres de Mme de Sévigné a fait que l’on connaît un peu mieux l’importance de l’insurrection bretonne, laquelle éclata en même temps que l’insurrection bordelaise et pour les mêmes motifs ; mais, en dehors des agitations populaires et de leurs sanglantes répressions, la révolte du papier timbré se présente en Bretagne avec un caractère tout particulier. L’application d’édits dont la province venait de se libérer à prix d’argent constitue une violation tellement éclatante des principes de la morale publique, et cette violation fut précédée d’un oubli si révoltant d’engagemens sacrés, qu’un particulier qui se conduirait vis-à-vis d’un autre comme le gouvernement français se conduisit alors vis-à-vis des Bretons serait pour toujours retranché de la société des honnêtes gens.

La Bretagne, qui durant les troubles de la fronde venait de prodiguer à la cause royale les gages les plus précieux de son dévouement, fut traitée comme une province conquise à l’instant même où sa population avait les armes à la main pour protéger contre L’ennemi extérieur l’intégrité du territoire national. Personne n’ignore que la guerre intentée par Louis XIV à la Hollande provoqua les plus chaudes alarmes, de 1672 à 1675, dans les provinces maritimes du royaume. Deux flottes formidables commandées par les plus grands hommes de mer du temps menacèrent plusieurs fois les côtes de la Manche, et l’anxiété publique était d’autant plus naturelle que ces côtes n’étaient point fortifiées, et que les armées françaises se trouvaient alors engagées tout entières en Allemagne.

  1. Arrêt du conseil et instructions au sieur de Machault, dans la Gazette de France de 1662, n° 88.
  2. La Police sous Louis XIV, chap. XII. — Les émeutes en province.